Alors que les prix de l’immobilier atteignent des sommets jamais vus, les jeunes acheteurs peinent à amasser le montant nécessaire à la mise de fonds. Les parents qui le désirent ont quelques moyens à leur disposition pour aider leur progéniture à accéder à la propriété.
Il y a, bien entendu, le don en argent qui est un moyen concret de leur fournir le montant nécessaire pour constituer la mise de fonds, voire plus. Une façon de donner de son vivant plutôt qu’après. Mais attention, cet élan de générosité ne doit pas se faire à votre détriment.
« Il faut bien faire les choses. Tout d’abord, il est important d’évaluer l’impact du don sur le patrimoine disponible à la retraite. L’argent versé à l’enfant ne génèrera plus de rendement, il faut donc faire des projections pour s’assurer d’un revenu suffisant tout au long de la vie. Un exercice essentiel pour éviter des mauvaises surprises », explique Audrey Bellefeuille T., conseillère principale à la Direction Planification financière, fiscale et successorale chez Desjardins.
Attention aux conséquences fiscales
Faire un don, c’est un geste généreux. Encore faut-il avoir les liquidités disponibles pour offrir ce soutien à la jeune génération. Si vous devez encaisser un placement ou vendre un bien entraînant un gain en capital, vous devrez prévoir l’impact fiscal.
« Le don en argent à un enfant majeur n’est pas imposable ni pour les parents ni pour le jeune », rappelle Audrey Bellefeuille T. Toutefois, certaines transactions immobilières peuvent entraîner une facture fiscale. Il faut s’assurer que ce soit un don pur et simple. Si l’enfant utilise de l’argent prêté par ses parentspour acquérir un bien générateur de revenus, tel un immeuble locatif, les règles d’attribution pourraient réattribuer les revenus de location à l’auteur du transfert de l’argent initial, soit les parents. Ce ne sera pas le cas si les sommes servent à acquérir un bien à usage personnel tel une résidence principale ou un chalet.
Les parents sont souvent préoccupés de ce qu’il adviendra si leur jeune en vient à se séparer ou divorcer. « Il faut savoir qu’un don ne rentre jamais dans le patrimoine familial ni le régime matrimonial, qu’il soit versé avant ou pendant le mariage, explique-t-elle. Le montant offert ne sera donc pas partageable au moment de la séparation. Dans le cas de conjoints de fait, c’est encore plus simple, puisque la notion de patrimoine familial ne s’applique pas. »
Là où ça peut devenir plus complexe, c’est lorsqu’un don en argent a permis d’acquérir une propriété qui a pris de la valeur. « Lors de la revente, il faudra calculer au prorata la plus-value sur la valeur du don initial. » Il est donc important de conserver une trace du don, idéalement par le biais d’un contrat notarié. Cela évitera bien des conflits qui peuvent être pénibles dans cette situation déjà difficile », recommande Audrey Bellefeuille T.
D’autres façons d’aider
Il est possible d’aider financièrement sans verser de l’argent sonnant. Vous pourriez, par exemple, faire don de votre résidence devenue trop grande pour vos besoins pour vous loger ailleurs. Encore là, le tout doit être fait dans les règles.
« Là où il faut faire attention c’est lorsque l’on vent une propriété à une valeur inférieur à sa valeur au marché, affirme Audrey Bellefeuille T. Contrairement à la pensée populaire, cette stratégie n’est pas avantageuse sur le plan fiscal, et pourrait même entrainer une double imposition. »
En effet, les autorités fiscales considèrent néanmoins qu’en tant que propriétaire, vous aurez vendu votre bien à sa juste valeur marchande. Une seule résidence par famille peut être désignée de résidence principale aux fins de l’exemption. Si vous détenez plus d’une résidence, il faudra calculer laquelle aura la plus grande prise de valeur annuelle. Si la résidence que vous désirez céder ne bénéficie pas de l'exemption pour résidence principale, vous serez imposé sur 50 % du gain en capital. Les valeurs immobilières ayant considérablement grimpé ces dernières années, le montant à payer peut s’avérer important et vous n’aurez pas les liquidités disponibles comme une vente en auraient générées.
Votre enfant ne sera pas épargné non plus au moment de la revente puisque le fisc considérera le prix d’acquisition réel,, aux fins du calcul du gain en capital. « Avant d’envisager de faire don de sa maison ou de la vendre à un prix en dessous de sa valeur, il faut évaluer les impacts à court et à long terme », conseille Audrey Bellefeuille T. Encore là, cet impact peut être amoindrit si la propriété se qualifie à l’exemption pour résidence principale, mais il est difficile de prévoir si notre enfant ne désirera pas faire l’acquisition d’une deuxième résidence plus tard au cours de sa vie. Dans ce cas-ci, un don sans contrepartie s’avère l’option à privilégier car le don sera réputé être fait à la juste valeur marchande.
« Si leur résidence n’est pas entièrement payée, les parents ont aussi la possibilité de faire ce que l’on appelle un don à charge, suggère-t-elle. L’enfant prend possession de la maison à la condition qu’il prenne en charge l’hypothèque. Ce n’est pas considéré comme une vente à prix de faveur. Le tout doit faire l’objet d’une entente avec le prêteur, bien évidemment. »
À noter que lors d’une transaction entre personnes liées, ce qui est le cas entre un parent et son enfant, il n’y aura pas de droits de mutation à payer peu importe que le transfert soit fait à la juste valeur marchande ou à un montant inférieur. Une taxe de bienvenue en moins, ça compte aussi.
Une autre option : se porter garant de l’hypothèque de votre enfant. C’est ce que l’on appelle une hypothèque collatérale qui permet d’utiliser l’équité de votre propriété comme garantie pour l’achat d’une autre résidence. Votre enfant pourra ainsi éviter de recourir à l’assurance hypothécaire de la SCHL si sa mise de fonds n’atteint pas 20 %. « Monter un dossier avec la SCHL prend du temps. Dans un marché immobilier aussi féroce, cela laisse peu de chance que son offre soit acceptée par le vendeur de la propriété convoitée », souligne-t-elle.
Peu importe le moyen choisi, une analyse approfondie des conséquences pour chacune des parties est essentielle, conseille Audrey Bellefeuille T. Un autre point important auquel il faut penser : s’assurer de l’équité entre les enfants. Bref, se montrer généreux, c’est un pensez-y bien !