Royce Mendes,
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Après avoir espéré en vain que l’inflation décélère d’elle-même, les dirigeants autour du monde font finalement leur mea culpa. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a fait écho aux récents commentaires du président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, à savoir que les décideurs américains avaient mal évalué la persistance des pressions inflationnistes. Pour sa part, la Banque du Canada (BdC) reconnaît depuis un certain temps qu’elle s’est trompée au sujet de l’inflation et s’est mise en mode rattrapage.
Pour reprendre du terrain, la BdC a relevé ses taux d’un autre 50 points de base cette semaine, portant le taux directeur à 1,50 %. Ce cycle de hausses est le plus rapide depuis que la BdC fixe des cibles d’inflation. La Fed devrait annoncer une augmentation d’envergure similaire plus tard ce mois-ci. Les autres banquiers centraux, notamment en zone euro, discutent de la nécessité d’agir vigoureusement à court terme pour contenir les pressions inflationnistes.
Il est facile, après coup, de critiquer les décideurs pour une série d’erreurs qui leur ont fait prendre beaucoup de retard. Les programmes d’assouplissement quantitatif ont été maintenus trop longtemps. Au Canada, même si la banque centrale a interrompu son programme d’achat d’actifs des mois avant certaines de ses homologues ailleurs dans le monde, elle a tout de même accaparé, avec les mesures d’assouplissement, plus de 40 % du marché des obligations souveraines.
Il ne fait aucun doute non plus que le taux directeur de plusieurs pays est resté trop bas trop longtemps. C’est entre autres parce que les banques centrales ont tardé à reconnaître l’importance et la persistance des contraintes du côté de l’offre. Mais c’est aussi parce que les dirigeants ont commis une erreur en se liant les mains avec des indications prospectives trop précises sur les déclencheurs d’une politique plus stricte. Il en a résulté une surchauffe dans un certain nombre d’économies, ce qui a alimenté une inflation excessive découlant de facteurs hors du contrôle des banques centrales – comme les prix des marchandises à l’échelle mondiale ou les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.
Les dirigeants de la BdC et leurs homologues internationaux prennent maintenant des mesures pour remédier à la situation. Ils sont aussi plus précis au sujet des risques qui pavent le chemin à emprunter. L’inflation élevée est là depuis assez longtemps pour qu’il soit réaliste de penser qu’elle s’intégrera aux attentes, ce qui compliquerait d’autant plus la tâche de réduire les pressions sur les prix. Dans le pire des cas, le public perdrait confiance en la capacité des responsables des politiques monétaires à faire reculer l’inflation. Les éléments de base d’une inflation faible et stable sont l’ancrage des attentes et la crédibilité des banques centrales.
À cet égard, la BdC a intensifié sa rhétorique agressive pour convaincre tout le monde que sa cible d’inflation de 2 % demeure sacro-sainte. En mentionnant cette semaine que les décideurs pourraient agir avec plus de force au besoin, elle a ouvert la porte à une hausse de taux supérieure à 50 points de base en juillet. Les banques centrales des autres régions du monde adoptent une approche combative similaire. Qu’il s’agisse ou non d’une simple tentative de persuasion, voilà qui devrait aider à ancrer les attentes d’inflation et à rétablir la crédibilité. Il est encore possible de diminuer l’inflation sans nécessairement provoquer une récession. Les chances, qui reposent en partie sur la confiance du public envers les décideurs, sont minces. Mais elles sont là. Ainsi, même si la hausse des taux d’intérêt nuira au portefeuille des ménages et des entreprises, le changement de tactique en faveur du resserrement des conditions financières est nécessaire pour freiner l’inflation et faire à nouveau fonctionner l’économie de façon efficace. Mieux vaut tard que jamais.
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