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Assurances

Les yeux sur la route : diminuer les distractions pour améliorer la sécurité routière

16 mai 2022

Kylee Bowman est conseillère auprès des jeunes pour la Fondation de recherche sur les blessures de la route (FRBR). Lorsqu’elle conduit avec ses amis, elle établit des règles claires : les yeux sur la route, un minimum de bavardage, le téléphone dans la console. Loin de l’image qu’on se fait d’une conductrice de 20 ans, Kylee prend les distractions au volant très au sérieux. À 8 ans, elle a vécu un accident de voiture qui a eu des conséquences importantes, alors elle sait combien une collision – même non mortelle – peut changer une vie.

Selon Robyn Robertson, présidente et chef de la direction de la FRFB, la distraction est un facteur dans près d’un accident mortel sur quatre. Et il n’y a pas que les téléphones en cause. La distraction au volant inclut des comportements qui ne sont pas généralement perçus comme dangereux : baisser les yeux pour attraper son café, se replacer les cheveux dans le rétroviseur au feu rouge, ou tout simplement rêver au retour à la maison. La statistique suivante porte à réfléchir : un conducteur circulant à 100 km/h et quittant la route des yeux pendant deux secondes parcourt l’équivalent d’une patinoire de hockey. Bien des choses peuvent se passer sur une distance de 52 mètres.

Alors, comment Kylee gère-t-elle le téléphone, la musique ou la navigation pendant qu’elle conduit? Elle ne le fait pas, tout simplement. « Pendant que la voiture est en mouvement, ce n’est pas une option. Tu n’aimes pas la chanson? Tant pis. »

Kylee Bowman, conseillère auprès des jeunes pour la Fondation de recherche sur les blessures de la route (FRBR)

Cette attitude est le résultat de ses expériences, mais aussi de l’attention maintenant portée à la distraction au volant dans la formation des conducteurs. Mme Robertson souligne que la sécurisation des routes passe en grande partie par l’éducation des conducteurs, jeunes et moins jeunes. « Nous avons fait du bon travail avec les lois et les sanctions, et en améliorant les cours de conduite. Mais il faut faire plus d’efforts pour rejoindre les conducteurs adultes avec des formations et des messages pertinents. Conduire implique en soi un partage de l’attention. »

Robyn Robertson, présidente et chef de la direction de la FRFB

Travailler avec les communautés

Debbie Hammond, praticienne à la Safer Roads Alliance, abonde dans le même sens. Son organisme sans but lucratif, basé en Alberta, a pour mandat de réduire le nombre de décès causés sur les routes grâce à des services éducatifs. L’alliance travaille avec l’industrie locale pour apporter son expertise interne et son influence dans les communautés afin d’éduquer les gens sur les bonnes pratiques au volant. Mme Hammond cite une étude de 2010 de l’Alberta Motor Association qui démontre que plus vous êtes loin de l’obtention de votre permis, moins vous connaissez les règles de la route. La complaisance peut être un facteur de risque important. Elle croit également que chaque usager de la route a une responsabilité. « Oui, le conducteur de cette voiture doit s’arrêter pour vous laisser traverser au passage pour piétons. Mais vous devez aussi regarder devant vous et ne pas vous engager aveuglément dans la rue, les yeux rivés sur votre téléphone. »

Selon elle, les simulations d’accidents qui visent les jeunes peuvent avoir du succès, mais leur effet finit par s’estomper. La Safer Roads Alliance veut amener de jeunes conducteurs dans les écoles pour parler aux élèves de choses qui les concernent – comme les distractions au volant et la pression des pairs – dans un langage qu’ils comprennent.

Au Manitoba, la FRBR travaille avec les écoles par le biais de Route to School, une application que les élèves utilisent pour marquer leur itinéraire jusqu’à l’école et identifier les zones où ils ne se sentent pas en sécurité. Les enseignants peuvent ensuite utiliser cette information pour parler de sécurité routière, ou d’un élément de la route ou de la circulation que tout le monde connaît. C’est une approche efficace pour que tous se sentent concernés par la question.

Rejoindre les jeunes conducteurs

Cette approche plus personnelle fonctionne avec les pairs de Kylee. Avec ses amis, elle essaie d’avoir des conversations constructives qui peuvent être gênantes au début, mais qui atteignent leur but lorsqu’elles sont honnêtes et respectueuses. Elle affirme ouvertement qu’après son accident, il lui a fallu un certain temps pour en comprendre l’impact. Même si personne n’est mort dans la collision, elle a souffert de pertes de mémoire, de douleurs et d’épisodes de colère injustifiés. C’est l’art qui l’a aidée à surmonter ses difficultés et à comprendre où elle en était dans son rétablissement, comment elle guérissait et d’où elle venait.

« C’était une sorte de journal qui m’aidait à voir où j’étais rendue. Tout change après un accident comme celui-là. On a une certaine personnalité avant, et après, il y a une partie de nous qui n’est plus là. Essentiellement, il faut apprendre à travailler avec les limites que l’on a maintenant. »

Nous devrions accorder une attention particulière aux jeunes conducteurs en cette période d’après-COVID, prévient Mme Robertson. Avec la fermeture des écoles de conduite pendant la pandémie, de nombreux jeunes attendent d’obtenir leur permis et de prendre la route. De plus, les comportements risqués comme la vitesse, la distraction au volant et la conduite avec facultés affaiblies ont augmenté pendant la pandémie. « Nous avons le potentiel de perdre une bonne partie des progrès que nous avons réalisés pour réduire les accidents de la route et les décès », se désole Mme Robertson.

Mais nous ne pouvons pas revenir en arrière. Et nous avons clairement besoin d’éducation et de sensibilisation en continu, ainsi que d’un réseau engagé formé d’intervenants locaux, industriels et gouvernementaux.

La télématique et l’assurance à tarification basée sur l’utilisation sont d’autres outils puissants pouvant avoir des effets positifs sur le comportement au volant. La télématique permet d’installer dans un véhicule un appareil pour enregistrer les comportements comme le freinage brusque, l’accélération rapide et l’utilisation d’un téléphone pendant la conduite. L’assurance à tarification basée sur l’utilisation tient compte notamment du type de véhicule, du temps de conduite, de la distance et de l’emplacement. Les assureurs analysent les données et le comportement et peuvent ajuster les primes. Cette approche, qui se concentre sur le consommateur pour influencer le comportement au volant, continue de gagner en popularité.

Mme Robertson estime que ces solutions sont très prometteuses. « Mais le défi consiste à atteindre les conducteurs qui se croient supérieurs à la moyenne et qui ne veulent pas nécessairement obtenir de rétroaction. Les appareils télématiques qui interagissent en temps réel peuvent être très utiles, car nous savons que les messages les plus efficaces sont ceux que reçoivent les conducteurs au moment où ils manifestent le comportement. »