Jimmy Jean
Vice-président, économiste en chef et stratège
Nous avons été quelque peu surpris cette semaine par la contraction du PIB américain au premier trimestre. Cependant, il est rapidement devenu évident que cette déception s’expliquait par une flambée des importations et non par un relâchement de la demande intérieure.
Néanmoins, la croissance économique faiblira cette année. Au Canada, nous prévoyons un ralentissement marqué à compter du second semestre, en partie causé par les prix élevés qui ont déjà commencé à faire sentir leurs effets. C’est le cas notamment dans l’immobilier résidentiel. Comme nous l’avons souligné cette semaine dans notre Zoom sur l’habitation, nous nous attendons à ce que les ventes de maisons continuent de s’affaiblir, tandis qu’il y a des signes que les prix pourraient déjà avoir atteint un sommet – particulièrement dans les petites régions métropolitaines ayant connu des augmentations de prix démesurées.
Nous voyons également l’inflation gruger dans le pouvoir d’achat des ménages. Certains phénomènes que nous observions pendant la pandémie sont en train d’évoluer. Prenons le revenu disponible, par exemple. En 2020, on a souvent répété que ce revenu avait réussi à augmenter malgré le repli de l’économie. Aujourd’hui, le revenu disponible, ajusté en fonction de l’inflation, a chuté en deçà de ce qu’il était avant la pandémie.
Une tendance semblable s’observe du côté des dépôts bancaires, une fois ajustés pour l’inflation. Ils sont encore légèrement au-dessus des niveaux prépandémiques, mais retombent rapidement vers ceux-ci. La hausse des taux hypothécaires diminue le revenu disponible pour les dépenses discrétionnaires, particulièrement dans le cas des prêts à taux variable, ainsi que des prêts à taux fixe dont le renouvellement est prévu bientôt. L’effet de richesse n’est guère plus favorable, puisque nous prévoyons que plusieurs marchés boursiers afficheront des rendements négatifs cette année. Tous ces facteurs incitent les gouvernements à tenter d’atténuer le choc pour les ménages. Comme nous l’avons observé dans notre Analyse budgétaire de cette semaine, l’Ontario a été la dernière province à mettre en place des allégements fiscaux.
Quant à savoir si ces facteurs pointent vers une récession, la question suscite de plus en plus le débat. Il n’existe aucune loi de la nature stipulant que la combinaison d’un faible taux de chômage, d’une inflation élevée et de hausses de taux doit entraîner une récession. Dans le cycle actuel, c’est la façon dont l’inflation sera maîtrisée qui sera l’élément déterminant. Si les banques centrales doivent faire remonter les taux d’intérêt bien au-dessus de la neutralité, le risque de court-circuiter l’expansion économique augmentera considérablement.
Ce n’est toutefois pas notre scénario de base pour le moment. Compte tenu des forces qui agissent déjà pour freiner les dépenses de consommation, il ne semble pas que les banques centrales auront besoin d’augmenter les taux d’intérêt très loin au-dessus de la neutralité. Au Canada, nous croyons qu’une grande sensibilité aux taux d’intérêt empêchera la Banque du Canada (BdC) de dépasser la fourchette du taux neutre qu’elle a estimé. Si c’est le cas, la demande excédentaire de main-d’œuvre pourrait s’atténuer, les dépenses de consommation et le marché de l’habitation pourraient ralentir, mais on ne verrait pas nécessairement les mises à pied massives qui caractérisent les débuts de récession.
Nous avions observé un scénario du genre en 2019. L’économie canadienne a progressé à un rythme de moins de 2 %, les taux sont restés inchangés après le cycle de hausse de 2017‑2018 et le taux de chômage est demeuré relativement stable au cours de l’année. Fait important, la BdC n’avait pas augmenté les taux au-dessus du niveau neutre parce que l’inflation était alors bien maîtrisée. En l’absence d’un imprévu majeur, ce scénario pourrait se répéter. Toutefois, il faudra que les chocs d’offre cessent de s’accumuler. Parvenir à un atterrissage en douceur sera un défi difficile, mais pas insurmontable.
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