Hélène Begin
Économiste principale
L’augmentation plus rapide des prix, qui est généralisée, affecte à la fois les ménages et les entreprises. Celles-ci sont d’ailleurs confrontées à une forte hausse de leurs coûts depuis l’an dernier. La flambée du prix des intrants, des coûts de transport ainsi que la pression à la hausse sur les salaires réduit la rentabilité de nombreuses entreprises. Plusieurs d’entre elles s’ajustent en augmentant leur prix de vente, ce qui contribue aussi à alimenter l’inflation pour l’ensemble de l’économie.
Globalement, le prix des matières premières a bondi de 38,4 % en avril au Canada par rapport au même mois l’an dernier. Les prix des produits industriels, c’est-à-dire des produits transformés et achetés par les entreprises, ont grimpé de 16,4 % depuis un an en avril. Outre le prix des intrants, les entreprises doivent également faire face à des coûts de transport élevés (maritime, aérien et terrestre). Les coûts d’approvisionnement et de distribution de la plupart des industries sont ainsi gonflés.
S’ajoute ensuite la progression plus rapide des salaires des employés. Après le choc initial de la pandémie qui a fait grimper le taux de chômage à un sommet au printemps 2020, le marché du travail a vite renoué avec une situation de pénurie de main-d’œuvre. Au Canada, le taux de chômage a franchi un creux de 5,2 % en avril dernier et le salaire horaire moyen a augmenté de 3,3 % depuis un an. Au Québec, le taux de chômage a atteint un seuil historique de 3,9 % en avril et le salaire horaire moyen a bondi de plus de 5,7 % sur un an. Le manque de main-d’œuvre incite les entreprises à accorder des hausses salariales supérieures, alors que les travailleurs exigent davantage que les augmentations offertes par le passé en raison de l’accélération de l’inflation.
En somme, les coûts des entreprises sont gonflés par de nombreux facteurs qui persisteront au cours des prochains mois. Comment les entreprises s’ajusteront-elles? Selon l’enquête de Statistique Canada, plus du tiers des entreprises prévoit augmenter leur prix de vente ce printemps. La situation est toutefois différente selon les secteurs d’activité : une part plus importante des entreprises des services d’hébergement et de restauration (56,7 %), de la fabrication (55,7 %), du commerce de gros (52,8 %) et du commerce de détail (51,7 %) ont prévu des hausses de prix.
Selon le sondage effectué par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, les PME anticipaient, en avril, devoir augmenter leur prix de presque 5 %, en moyenne d’ici un an. Les entreprises tentent donc de refiler une partie de la hausse des coûts à leurs clients. À moins d’accroître suffisamment leur productivité, les entreprises se résignent à rehausser leur prix de vente. Selon Statistique Canada, environ le tiers des entreprises au pays s’attendaient malgré tout à une baisse de rentabilité ce printemps.
D’après l’enquête de Statistique Canada, environ les trois quarts des entreprises ont suffisamment de liquidités nécessaires pour poursuivre leurs activités pendant trois mois, alors que la situation est plus critique pour le quart d’entre elles. Les cas d’insolvabilité des entreprises au Canada, dont le nombre a fléchi de 24,3 % en 2020 et de 11,0 % en 2021 grâce au soutien gouvernemental et aux mesures d’allégements des institutions financières, ont déjà amorcé une remontée. Celle-ci se poursuivra au cours des prochains trimestres. L’augmentation des taux d’intérêt, qui gonflera les coûts d’emprunt, s’ajoutera aux autres coûts déjà plus élevés et mettra encore plus de pression sur les entreprises fortement endettées ou, encore, celles qui œuvrent dans les secteurs où les marges de profits sont plus faibles.
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