Si on veut prendre des décisions financières plus judicieuses, il faut d’abord comprendre ce qui nous pousse à vouloir faire des sous. « Notre rapport à l’argent n’est pas immuable. Il est possible d’adopter des habitudes qui vont nous apporter davantage de satisfactions. Cela commence par une prise de conscience de nos motivations à faire de l’argent. Certaines sont nuisibles alors que d’autres sont bénéfiques », explique Jacques Forest, psychologue et professeur-chercheur à l’ESG UQAM.
Entre anxiété et sécurité
Selon un sondage sur la perception face à l’épargne, quatre Québécois sur dix de moins de 35 ans ressentent une émotion négative à la vue de leur compte. Anxiété, insécurité, déprime et même tristesse apparaissent quand ils constatent la hauteur de leurs avoirs. La situation s’améliore toutefois avec l’âge. Chez les 55 ans et plus, une personne sur deux ressent confort et sécurité quand elle consulte ses relevés bancaires.
Source : Les Québécois et l’épargne, Fonds de solidarité FTQ, 2018.
Selon Jacques Forest, certaines motivations sont bénéfiques parce qu’elles entraînent un bien-être psychologique. Dans cette catégorie, il y a la charité, l’équité (ou la justice), la liberté, les loisirs et la fierté de bien faire les choses. D’autres sont négatives, soit consommer de manière impulsive, dépenser pour mieux se comparer socialement et surmonter ses doutes personnels à l’aide de l’argent (acheter l’amour et l’amitié à l’aide de cadeaux, par exemple). Elles sont davantage source de frustration et de mal-être psychologique. On peut aussi viser la sécurité de façon à apporter le soutien à la famille et acquérir une stabilité financière, des motivations que le chercheur qualifie de neutres.
Atteindre la satiété financière
« L’argent ne fait pas le bonheur », selon le dicton. C’est vrai jusqu’à un certain point. « Selon les données du Gallup World Poll, un organisme qui effectue des enquêtes à une échelle mondiale, le niveau de satiété financière, soit le montant d’argent qui procure un effet maximal sur le bien-être et le bonheur personnel, varie selon les pays. En Amérique du Nord, il se situe entre 90 000 $ et 115 000 $. En bas de ce seuil et même au-delà, l’argent est davantage source de stress, soit parce qu’on en manque pour subvenir à nos besoins ou parce qu’il faut fournir plus d’efforts pour en faire plus. »
- Jacques Forest, psychologue et professeur-chercheur à l’ESG UQAM
Il y a moyen de tenir à distance les motivations malsaines. « La première étape, c’est de prendre conscience de ce qui nous pousse à faire de l’argent. On peut alors remplacer les motivations négatives par celles qui favorisent le bien-être », explique Jacques Forest. Une étude qu’il a cosignée en 2020 l’a bien démontré. Les chercheurs ont soumis les participants à un questionnaire pour comprendre leurs motivations à gagner de l’argent. « Grâce à cet exercice, ils ont réalisé que certaines motivations nous font courir à notre perte alors que d’autres vont nous soutenir. Les motifs négatifs frustrent nos besoins d’autonomie, de compétences et de connexions sociales. Donc, en ayant un rapport sain à l’argent, on fait en sorte d’augmenter la satisfaction de ces trois besoins », affirme Jacques Forest.
Évidemment, cette étape de conscientisation n’est que le début du travail de déconstruction pour changer son rapport à l’argent. Pour empêcher que les vieux réflexes reviennent à la surface, il s’agit de faire de nouveaux choix. « Acheter des expériences plutôt que des biens matériels, investir dans la sécurité financière, ce sont des moyens efficaces pour ancrer les nouvelles habitudes », conseille le chercheur.