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Ce n’est pas le moment de céder

6 mai 2022

Jimmy Jean
Vice-président, économiste en chef et stratège

Après la Banque du Canada il y a quelques semaines, c’est au tour de la Réserve fédérale (Fed) d’aller de l’avant avec une hausse des taux d’intérêt de 50 points de base tout en annonçant que le resserrement quantitatif commencerait le 1er juin. Cette semaine, la Banque d’Angleterre n’a augmenté ses taux que de 25 points de base, mais elle continue d’indiquer qu’elle vendra des obligations gouvernementales, ce qu’aucune autre grande banque centrale n’a osé faire depuis le début des politiques quantitatives.

Ces mesures sont énergiques, mais nécessaires, car les risques sur l’inflation demeurent orientés à la hausse. Cette semaine, la présidente de la Commission européenne a proposé une élimination progressive des importations de pétrole et de produits raffinés russes qui pourrait s’opérer sur six mois. Cette annonce survient après que l’Union européenne ait prévu une réduction de 66 % des importations de gaz russes d’ici la fin de 2022. En conséquence, les prix du pétrole brut ont grimpé en flèche cette semaine, et cet élan pourrait être maintenu si la Russie décidait de cesser ses exportations de pétrole vers l’Europe en guise de représailles, de la même manière qu’elle a coupé l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie et de la Pologne lorsqu’elles ont refusé d’effectuer leurs paiements en roubles.

Et il ne faut pas compter sur la Chine. Les cas de COVID‑19 ont beau être en recul, les autorités persistent et signent dans leur objectif d’éliminer entièrement la transmission communautaire avant une levée des confinements. Par ailleurs, une réouverture de l’économie chinoise ne sera pas de nature à calmer l’inflation à court terme. Les confinements décrétés par le gouvernement chinois se sont avérés utiles dans un certain sens, puisqu’ils ont temporairement freiné la demande mondiale de pétrole. Lorsque l’activité reprendra au sein du deuxième consommateur de pétrole en importance dans le monde, la demande et les prix pour le pétrole et les autres produits de base remonteront. L’effet se fera probablement sentir plus tôt sur l’inflation que le répit qui résultera éventuellement de l’amélioration des délais de livraison des fabricants chinois. Compte tenu de ces récents développements, nous haussons notre cible de fin d’année pour le baril de pétrole brut WTI (West Texas Intermediate) à 96 $ US, contre 88 $ US auparavant.

Dans le contexte actuel, nous avons fait valoir que les banques centrales devraient relever rapidement les taux d’intérêt vers des niveaux neutres. Cependant, nous avons vu cette semaine une Fed qui a, à toutes fins pratiques, plafonné les hausses qu’elle serait prête à annoncer à chaque réunion. Il s’agit là d’un virage important, étant donné qu’il y a à peine un mois, les banquiers centraux refusaient d’écarter tout scénario. De toute évidence, ce n’est pas passé inaperçu auprès des marchés, avec des Bourses ragaillardies, des taux obligataires en baisse et des anticipations d’inflation de marché en hausse à la suite de l’annonce de mercredi. Pour une banque centrale aux prises avec un taux d’inflation de 8,5 %, une réunion qui se termine par un assouplissement des conditions financières peut difficilement être considérée comme un succès retentissant. La confusion concernant les perspectives de politique monétaire (et aussi les risques de récession) est demeurée un thème dominant durant le reste de la semaine, qui a été particulièrement volatil. Ces événements témoignent de la crédibilité que les banques centrales mettent en jeu dès qu’elles montrent le moindre signe de faiblesse. Tant que le taux neutre n’est pas encore en vue, il n’est pas encore temps de céder.

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