- Maëlle Boulais-Préseault, économiste • Benoit P. Durocher, directeur et économiste principal
La relance du secteur résidentiel fera bientôt place à une accélération
Faits saillants
- La construction résidentielle et les ventes de propriétés existantes se sont redressées depuis le début de 2024.
- L’offre de propriétés disponibles sur le marché secondaire est plus abondante que l’an passé. Cela devrait maintenir les prix de vente assez stables lors des prochains mois, bien que le niveau soit en moyenne plus élevé que l’an dernier.
- Un retour à une croissance plus forte des prix est toutefois anticipé d’ici peu. Une hausse d’environ 8 % est prévue l’an prochain, comparativement à 6,4 % en 2024.
- L’élan de la construction neuve s’appuie surtout sur le marché locatif. Certaines solutions visant à stimuler l’ajout de logements y ont contribué en début d’année.
- Plusieurs villes et municipalités ont appliqué différentes mesures afin de démarrer plus de projets de nouveaux logements, comme un allégement de leur réglementation, et la réduction des délais administratifs avant l’approbation des projets, ou mis en place des incitatifs financiers.
- L’allongement de la période d’amortissement maximale de 25 à 30 ans pour les emprunts nécessitant une assurance-prêt pourrait donner un second souffle à la reprise de la construction neuve et au marché de la revente.
Mises en chantier
Remontée rapide de l’activité au Québec
La reprise du marché de l’habitation semble bel et bien enclenchée au Québec. Les ventes de propriétés existantes sont à la hausse, ce qui maintient les prix à un niveau élevé. Les mises en chantier se redressent depuis le début de 2024 après la chute d’environ 45 % encaissée au cours des deux années précédentes. Depuis le début de l’année, les mises en chantier de nouvelles habitations ont bondi de près de 30 %, comparativement à la même période de 2023 (janvier à août) (tableau 1).
Regain provenant des appartements locatifs
Au Québec, les mises en chantier d’appartements locatifs ont amorcé une reprise bien avant le début des baisses de taux d’intérêt directeur en juin, notamment dans les villes et les municipalités qui ont assoupli leur réglementation ou accordé des incitatifs financiers afin de faciliter le démarrage de nouveaux projets. De nombreuses pistes de solution avaient été identifiées afin de relancer la construction de logements locatifs dans un Point de vue économique Lien externe au site. publié l’an dernier. Plusieurs d’entre elles ont été mises en application dans différentes localités de la province, ce qui semble avoir contribué au retour en force de la construction de logements locatifs dès le début de 2024. Les crédits de taxes foncières à Trois‑Rivières et Drummondville, entre autres, ou l’allégement de la réglementation en retirant les normes minimales de stationnement à Québec en sont des exemples.
Les mises en chantier d’habitations ont poursuivi leur reprise au second trimestre à l’échelle du Québec et 75 % d’entre elles provenaient encore du segment locatif (graphique 1). La construction devrait se stabiliser au cours des prochains mois, tout en restant forte grâce aux coûts d’emprunt qui ont diminué. Une augmentation d’environ 30 % des mises en chantier résidentielles est tout de même prévue cette année au Québec, suivie d’une hausse d’environ 9 % l’an prochain. La construction de maisons unifamiliales et d’appartements en copropriété devrait augmenter d’environ 10 % en 2024 et de 4 % en 2025. Les mises en chantier d’appartements locatifs sont en voie de grimper de 30 % cette année, puis d’environ 10 % l’an prochain.
La construction résidentielle n’a toutefois pas repris de manière uniforme dans les différentes régions de la province depuis le début de 2024. Alors que des hausses fulgurantes sont observées en Abitibi‑Témiscamingue et dans Chaudière‑Appalaches, les mises en chantier progressent encore faiblement du côté de la Gaspésie–Îles‑de‑la‑Madeleine et du Bas‑Saint‑Laurent (graphique 2). D’ailleurs, le nombre de nouvelles unités a fléchi dans plusieurs des grandes agglomérations de la province (graphique 3). Les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Trois‑Rivières et de Saguenay avaient toutefois fait preuve de résilience l’an dernier avec des hausses respectives de 14,5 % et de 48,5 % des mises en chantier.
Les contraintes restent nombreuses, mais diverses solutions sont en place depuis peu
La hausse des coûts de construction a grandement contribué à ralentir la construction résidentielle pendant les deux dernières années. L’industrie de la construction résidentielle a été fortement ébranlée par les coûts élevés des matériaux et de la main-d’œuvre auxquels s’est ajouté le haut niveau des taux d’intérêt. La remontée du nombre de faillites dans la construction a d’ailleurs été plus rapide que dans plusieurs autres secteurs d’activité. Les prix des logements neufs semblent toutefois s’être stabilisés (graphique 4), permettant aux constructeurs de mieux prévoir leurs projets et d’aller de l’avant lorsque leur situation financière le permet. La situation devrait s’améliorer avec la baisse des taux d’intérêt.
Les nombreuses mesures mises en place par certaines villes et municipalités visant à encourager les promoteurs et les constructeurs à démarrer de nouveaux projets ont sans doute contribué au regain de l’activité observé sur les chantiers au cours des derniers mois. Il reste tout de même encore plusieurs freins, comme les délais d’obtention des permis de construction plus longs ici qu’à l’international selon une récente analyse Lien externe au site.. De nouvelles mesures visant à stimuler la construction restent donc primordiales dans un environnement où l’offre continue d’être insuffisante pour répondre aux besoins de la population. En outre, les gouvernements devraient focaliser leurs efforts sur la construction préfabriquée et modulaire.
Quelques exemples récents confirment la capacité de l’industrie manufacturière à accélérer la cadence de construction. Dans la municipalité de Fermont sur la Côte‑Nord, des maisons préfabriquées ont été installées rapidement dans des délais plus courts qu’avec le mode de construction habituel. Ce type d’habitations nécessite de 20 % à 50 % moins de temps à construire grâce à la fabrication en usine effectuée en Gaspésie. Celle-ci permet d’atténuer les problèmes de pénurie de main-d’œuvre ainsi que les difficultés rattachées au climat, notamment en hiver. Cette initiative pourrait être reproduite ailleurs au Québec, où les besoins de logements sont aussi importants.
La Ville de Rimouski, particulièrement affectée par la crise du logement, a également établi un contexte propice à l’ajout d’appartements locatifs. Grâce à un don de terrain de la part de la municipalité à la Société de développement Angus, un projet de plus de 300 logements y sera bientôt développé.
D’autres incitatifs, parfois financiers, contribuent aussi à stimuler la construction dans certaines municipalités. Cependant, le défi pour quelques-unes consiste maintenant à se doter des infrastructures nécessaires, notamment le système d’aqueduc, l’aménagement de nouvelles rues et des modes de transport afin de permettre l’ajout de nouvelles résidences. Certaines villes ont encore le réflexe de financer ces infrastructures au moyen d’une redevance ou d’une taxe, ce qui a plutôt comme effet de freiner les constructeurs. Étant donné la capacité financière limitée des villes, un meilleur arrimage entre les différents paliers de gouvernement continue d’être primordial.
Loyers
La flambée des loyers particulièrement aiguë au Québec s’explique surtout par une forte demande en raison de gains démographiques importants et d’une offre insuffisante de logements disponibles dans un contexte où le nombre de mises en chantier d’appartements locatifs a diminué de 12,7 % en 2022 et de 28,1 % en 2023. Même si la construction de logements locatifs s’est accélérée depuis le début de 2024, les loyers continuent d’augmenter fortement.
Le Tribunal administratif du logement (TAL) avait recommandé une majoration des loyers de 1,8 % l’an dernier au Québec, puis du double en 2024, soit 4,0 % pour les logements non chauffés. Il s’agit d’un bond inégalé en plus de 30 ans qui s’applique aux immeubles âgés de plus de cinq ans. Les recommandations du TAL pour l’année 2025 n’ont pas encore été révélées, mais une partie de son calcul se base sur la composante loyer de l’indice des prix à la consommation (IPC), dont la hausse annuelle continue d’être rapide, à 10,0 % en août 2024 (graphique 5).
Les différentes mesures gouvernementales récemment annoncées quant à l’accueil plus limité de résidents non permanents portent à croire que la croissance démographique ralentira dans les prochaines années, ce qui apaisera la demande sur le marché locatif. De plus, les efforts afin de favoriser la construction d’appartements commencent à porter fruit à plusieurs endroits au Québec, ce qui permettra d’élargir le parc de logements disponibles. La surchauffe du marché locatif devrait donc s’atténuer graduellement, ce qui apaisera l’augmentation des loyers dès l’an prochain. L’augmentation approchera 9 % en 2024, puis devrait ralentir un peu et avoisiner 5 % en 2025. Au Québec, 40 % des ménages sont locataires et plusieurs d’entre eux encaissent encore de fortes augmentations de loyer.
Marché de la revente
Les ventes de propriétés existantes effectuées par l’entremise d’un courtier immobilier se redressent graduellement au Québec. Le creux cyclique (à l’exception du début de la pandémie) du printemps 2023 fait ainsi place à une remontée. Le niveau des ventes a même rejoint récemment la moyenne des dix dernières années (graphique 6). Le nombre total de propriétés existantes nouvellement mises en vente (maisons, condos et plex) remonte aussi, s’approchant également du niveau moyen des dix dernières années. Le délai de vente moyen avoisinait toujours cinq mois ce printemps, et ce, depuis l’automne 2022, comparativement à des moyennes de deux mois au plus fort de la pandémie et de huit mois au cours des dix dernières années. Le marché de la revente effectue très graduellement un retour à un niveau d’activité et à un rythme plus près de la normale.
Cette remontée graduelle de l’offre de propriétés disponibles au même rythme que la demande des acheteurs devrait éventuellement se traduire par une certaine stabilisation des prix dans les prochains mois (graphique 7). Le prix moyen s’avère tout de même plus élevé qu’à la même période l’an passé puisque la hausse cumulative depuis le début de 2024 se chiffre à 6,5 %. Il devrait évoluer de façon plus modérée d’ici décembre pour terminer l’année 2024 avec une variation annuelle d’environ 6,4 %. On s’attend à une hausse du prix moyen de 8 % sur l’ensemble de 2025, sous l’effet d’une forte demande en suspens, dans un contexte où les stocks demeurent relativement faibles.
Dynamique régionale
À l’exception du Bas‑Saint‑Laurent, toutes les régions ont vu leurs transactions augmenter lors de la première moitié de 2024 par rapport à 2023 (graphique 8). Sur l’île de Montréal, même si elles demeurent favorables aux vendeurs, les conditions de marché se rapprochent de l’équilibre selon le ratio des ventes par rapport aux nouvelles inscriptions, ce qui permet une stabilisation des prix. Dans chacune des régions, le prix moyen affiche une forte croissance par rapport à l’an passé, comme l’indiquent les résultats du premier semestre de 2024 (graphique 9).
L’accès à la propriété un peu moins difficile
Les baisses de prix tant espérées par les ménages tentant d’acquérir une première propriété n’auront pas lieu. L’abordabilité devrait toutefois s’améliorer quelque peu grâce au mouvement à la baisse des taux hypothécaires et à l’allongement de la période d’amortissement maximale de 25 à 30 ans pour les prêts assurés (schéma). Les conditions seront donc légèrement plus favorables pour l’achat d’une première propriété. Néanmoins, l’allongement de la période d’amortissement devrait stimuler la demande, qui devrait progresser plus rapidement que les stocks de logements à vendre et ainsi entraîner une augmentation des prix, ce qui viendrait freiner les gains en abordabilité.
Taux d'intérêt
Alors que le secteur résidentiel a déjà repris de la vigueur, l’activité devrait être encore plus soutenue au cours des prochains mois, notamment grâce à la diminution des taux hypothécaires. La Banque du Canada (BdC) a déjà annoncé trois baisses de 25 points de base du taux d’intérêt directeur depuis juin. Nos prévisions tablent sur plusieurs autres baisses au cours des prochains trimestres. Le taux directeur, actuellement de 4,25 %, devrait ainsi fléchir jusqu’à 3,50 % d’ici la fin de l’année, puis à 2,25 % d’ici la fin de 2025.
Les taux d’intérêt hypothécaires à taux variables suivront le mouvement baissier de la BdC et devraient avoisiner 4 % à la fin de l’an prochain par rapport à 6 % présentement (graphique 10). Les taux hypothécaires fixes, qui évoluent en parallèle avec les taux des obligations fédérales, pourraient toutefois avoir presque terminé leur descente. Selon nos plus récentes prévisions Lien externe au site., la maîtrise de l’inflation à la cible de 2 % avait été anticipée par les marchés financiers, de sorte qu’une bonne partie des baisses des taux obligataires et, par conséquent, des taux hypothécaires fixes est probablement derrière nous.
Tableau de prévisions
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