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Commentaire hebdomadaire

Pourquoi l’inflation demeure-t-elle plus persistante au Québec?

25 août 2023
Hélène Bégin
Économiste principale

Alors que le taux d’inflation au Canada a effectué un retour aux environs de 3 % depuis juin, celui du Québec demeure coincé à un niveau plus élevé. La variation annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) a atteint 3,9 % en juillet dans la province, comparativement à 3,3 % au pays. Même si une légère différence survient parfois entre les deux pendant quelques mois, l’écart s’est creusé depuis le début de 2023 (graphique 1). Le taux d’inflation du Québec s’avère même le plus rapide parmi toutes les provinces. Qu’est-ce qui explique cette différence? Cette situation se maintiendra-t-elle à court terme?

Facteurs internationaux : effet sur le prix des biens

Au Québec comme ailleurs au Canada, l’augmentation annuelle du prix des biens a culminé autour de 10 % vers la mi‑2022. Comme démontré dans un récent Point de vue économique Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre., les facteurs internationaux qui exerçaient de vives pressions sur le prix des biens ont alors joué un rôle important. Celles-ci se sont toutefois apaisées, ce qui a contribué à la nette décélération du taux d’inflation dans le secteur des biens.

Les pressions à l’échelle mondiale qui s’atténuent du côté à la fois des prix de l’énergie et des chaînes d’approvisionnement ont un écho à travers le Canada. Le taux d’inflation des prix de l’énergie s’est rapidement essoufflé et a même basculé en zone négative depuis le printemps dernier. En juillet, la diminution sur un an se chiffrait à 15 % au Québec et au Canada. Cela a ainsi permis d’alléger les coûts de production et de transport dans d’autres secteurs.

Le rétablissement des chaînes d’approvisionnement mondiales modère également la hausse des prix de nombreux biens. Les commerçants à travers le pays ont reconstitué leurs inventaires, qui étaient à un niveau anormalement bas pendant la pandémie. La disponibilité de la plupart des produits s’améliore alors que la demande des consommateurs commence à s’essouffler. Le taux d’inflation des biens en juillet se chiffrait à 2,5 % au Québec et à 2,3 % au Canada, alors qu’il avoisinait 6,5 % en début d’année.

L’inflation des services reste élevée

Un écart significatif avec la moyenne nationale persiste toutefois du côté des services (graphique 2). Au Québec, le taux d’inflation de ce secteur a atteint 5,4 % en juillet, soit une hausse presque aussi élevée que celle de 5,8 % en janvier. Peu de progrès ont donc été réalisés dans la province depuis le début de 2023. Au Canada, le rythme a ralenti de 6,3 % à 4,3 % pendant la même période. Considérant qu’environ le tiers des prix des services repose habituellement sur les coûts de main-d’œuvre, la forte progression des salaires au Québec a probablement joué un rôle dans plusieurs catégories de services. De plus, les fermetures pendant la pandémie ont été plus fréquentes et prolongées au Québec, ce qui a fragilisé plusieurs types de commerces. Les prix demandés aux clients ont dû être ajustés en conséquence afin de maintenir une certaine rentabilité des établissements, notamment dans le secteur de la restauration.

Du côté de la demande, les dépenses en services se sont fortement accélérées au Québec au cours de l’année 2022. Le soutien financier gouvernemental plus généreux que dans les autres provinces ainsi que la hausse de 4,1 % de la rémunération hebdomadaire moyenne ont permis au revenu personnel après impôts et inflation de croître de 1,6 % en 2022 au Québec, comparativement à une baisse de 0,4 % au Canada. Les dépenses en services ont ainsi augmenté plus rapidement, ce qui a exercé une pression additionnelle sur les prix dans la province. Le secteur des biens n’a pas bénéficié de cet effet stimulant puisque ce type de dépenses s’est refroidi après l’essor fulgurant observé pendant la pandémie.

Ces facteurs ont toutefois moins d’influence sur les prix de certaines catégories, notamment le logement, qui est la plus importante composante qui entre dans le calcul de l’IPC. Celle-ci représente un poids de près de 30 % dans les dépenses des ménages canadiens. Le taux d’inflation de la composante logement maintient un rythme plus élevé au Québec, soit 5,7 % en juillet, comparativement à 5,1 % au Canada. Depuis un an, la flambée des coûts d’intérêt hypothécaires, qui avoisine 30 %, ainsi que les augmentations des loyers d’environ 5,5 % affectent les propriétaires et les locataires dans la province et au pays. La hausse plus rapide de l’IPC logement au Québec est toutefois attribuable aux différents coûts relatifs pour les propriétaires comme les assurances habitation ainsi que les frais d’entretien et de réparation.

Le prix des aliments continue aussi d’augmenter plus fortement au Québec. Alors que la hausse avoisinait 10 % en début d’année au Québec et au Canada, elle a respectivement atteint 9,4 % et 7,8 % en juillet. La différence repose sur les prix des aliments achetés en magasin et aussi sur ceux commandés dans les restaurants. La composante aliments de l’IPC compte pour 16,1 % des dépenses des ménages canadiens et contribue à maintenir le taux d’inflation total plus élevé dans la province.

Par ailleurs, les prix des services de garde ont diminué de façon importante au pays, soit d’environ 20 % depuis un an, en raison de la mise sur pied du programme national. Cet effet n’est pas présent au Québec, lequel dispose d’un réseau de garderies subventionnées depuis une vingtaine d’années. Cet élément permet de réduire la pression à la hausse sur le coût de la vie des familles au Canada.

Les dépenses non essentielles

Les dépenses en loisirs comptent pour environ 10 % du total du panier de consommation de l’IPC au Canada. Parmi celles-ci, trois types de dépenses non essentielles ont encore enregistré de fortes croissances annuelles de l’IPC en juillet au Québec : l’achat et l’utilisation de véhicules de loisirs (+4,3 %), les équipements et les services de divertissement pour le foyer (+6,1 %) ainsi que les services culturels et récréatifs (+4,8 %). Depuis plusieurs mois, les hausses sont nettement plus élevées qu’au Canada pour ces catégories.

La marge de manœuvre financière des Québécois, qui est moins limitée que dans certaines provinces, pourrait avoir stimulé davantage la demande de biens discrétionnaires et, par conséquent, les prix. Malgré la récente détérioration, le taux d’endettement se situe nettement sous la moyenne canadienne et le taux d’épargne demeure plus élevé. Selon Statistique Canada Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre., l’épargne accumulée est concentrée dans les ménages se situant dans les tranches supérieures de revenus. Or, ceux-ci consacrent habituellement une part plus importante de leur budget aux dépenses non essentielles. Malgré le contexte de forte inflation et de taux d’intérêt élevés, les dépenses en loisirs ont réussi à maintenir une certaine vigueur au Québec et les salaires ont progressé plus fortement que dans l’ensemble des secteurs, exerçant une pression plus forte sur les prix.

Conclusion : cette situation se maintiendra-t-elle à court terme?

Les facteurs qui ont contribué à maintenir l’inflation plus élevée au Québec depuis plusieurs mois devraient s’estomper graduellement. D’une part, la détérioration du marché du travail semble amorcée et les hausses de salaire ont récemment ralenti en deçà de la moyenne canadienne. Ensuite, le taux d’épargne diminue rapidement après avoir été gonflé par les mesures de soutien gouvernemental l’an passé. De plus, les revenus après impôts et inflation devraient fléchir en 2023, ce qui mettra un terme à la progression des dernières années. Certaines dépenses, notamment celles qui sont non essentielles, seront assurément comprimées dans un contexte où les taux d’intérêt élevés grugent une part croissante du budget des ménages. Finalement, la faiblesse assez généralisée de l’économie du Québec, qui se manifeste plus tôt que celle attendue au Canada, devrait atténuer la pression sur les prix prochainement. Par conséquent, le taux d’inflation de la province ne devrait pas tarder à converger vers la moyenne nationale.

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.