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Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
Lorenzo Tessier-Moreau, économiste principal • Hendrix Vachon, économiste principal
Les marchés boursiers célèbrent le balayage républicain. Mais pour combien de temps?
Faits saillants
- Les politiques de Trump pourraient renforcer la croissance à court terme.
- Les taux d’intérêt canadiens ne suivront pas nécessairement la tendance américaine.
- Le dollar américain profite de l’élection de Donald Trump.
- L’effet Trump balaie les marchés financiers.
Conjoncture économique et taux d'intérêt
L’élection de Donald Trump pourrait renforcer la croissance à court terme
Alors que les indicateurs économiques restent mixtes dans la plupart des grandes économies du monde, l’élection d’un nouveau président à la Maison-Blanche brasse les cartes et force à revoir les perspectives de croissance. La déréglementation et les baisses d’impôts proposées par Trump pourraient rapidement stimuler la croissance américaine et mondiale à partir de 2025. L’optimisme des investisseurs et le regain des marchés financiers pourraient apporter un soutien avant même l’entrée en poste du nouveau président. L’ensemble des nouvelles politiques mises de l’avant risque cependant d’avoir un effet inflationniste, ce qui se traduit déjà par une forte hausse des taux obligataires. L’imposition de tarifs sur les importations et la réduction du nombre d’immigrants aux États-Unis pourraient aussi avoir des effets délétères sur la croissance à moyen terme, autant aux États-Unis qu’ailleurs dans le monde.
La prudence est de mise pour la Réserve fédérale (Fed) américaine
Sans grande surprise, la Fed a procédé à une baisse de 25 points de base du taux des fonds fédéraux le 7 novembre dernier. Bien que la rencontre ait eu lieu après le dévoilement du résultat de l’élection présidentielle, il semble clair que celui-ci n’a pas influencé le message de la Réserve fédérale. Les risques associés au double mandat de la Fed (emploi et inflation) apparaissent plus équilibrés et l’attention sera davantage portée sur la normalisation de la politique monétaire au cours des prochains mois. Les investisseurs ont rapidement revu leurs anticipations de taux directeurs pour l’année 2025, à la suite de l’élection de Donald Trump. Il se pourrait très bien que la banque centrale américaine doive limiter le rythme des baisses du taux directeur afin de pallier les effets inflationnistes des politiques qui seront adoptées.
L’économie canadienne continue de tourner à vide
Il y a encore peu de signaux positifs pour l’économie canadienne, malgré les multiples baisses du taux directeur qui ont eu lieu depuis l’été. Le PIB réel a fait du surplace en août, ce qui laisse présager une croissance annualisée inférieure à 1,0 % au troisième trimestre. Le marché de l’emploi a ralenti en octobre avec un gain de seulement 15 000 postes, ce qui a maintenu le taux de chômage stable à 6,5 % (graphique 1). La bonne nouvelle est qu’une croissance américaine plus soutenue à court terme pourrait entraîner une demande plus forte au Canada. Les répercussions négatives de l’incertitude par rapport aux politiques commerciales et d’éventuels tarifs pourraient par la suite se faire sentir sur l’économie canadienne.
Les taux canadiens pourraient diverger davantage des taux américains
Une des principales conséquences de l’élection du nouveau président américain est l’accentuation de la divergence entre la trajectoire des économies canadienne et américaine. Bien que l’application de tarifs risque d’entraîner des conséquences néfastes des deux côtés de la frontière, les effets pourraient être plus importants au Canada. Avec la faiblesse économique actuelle, la trajectoire baissière du taux directeur de la Banque du Canada n’est pas remise en cause par les changements politiques aux États-Unis. Les taux pourraient cependant devoir continuer de diminuer davantage au-delà de 2025, afin de contrecarrer les effets néfastes des politiques américaines (graphique 2).
L’avantage des taux variables pourrait bientôt devenir plus clair
Les taux sur les obligations gouvernementales canadiennes sont repartis à la hausse récemment, suivant le mouvement des taux américains (graphique 3). À l’inverse, la faiblesse de l’économie canadienne porte à croire que le taux directeur devra continuer de diminuer. Ces deux tendances opposées ont réduit les écarts de taux sur les produits de différents termes, rendant les prêts à taux variable de plus en plus attrayants pour les emprunteurs. Après le rebond récent, la tendance baissière des taux obligataires devrait se poursuivre, mais à un rythme plus faible que celle des taux variables, maintenant ces derniers plus avantageux.
Taux de change
Le dollar américain profite de l’élection de Donald Trump
Le billet vert monte avec les taux obligataires américains
Le dollar américain est sur une tendance haussière depuis le début du mois d’octobre et son appréciation est généralisée (graphique 4). Cette remontée est intimement liée à la progression récente des taux obligataires. L’amélioration de plusieurs données économiques aux États-Unis a contribué au rebond des taux obligataires américains, augmentant les écarts avec les taux des autres pays, ce qui donne un avantage au dollar américain (graphique 5). L’élection de Donald Trump amplifie le phénomène. Les écarts de taux d’intérêt continuent de s’élargir en anticipation de politiques plus inflationnistes, ce qui maintient l’élan sur la devise américaine.
La menace de tarifs douaniers est également favorable à l’appréciation de la devise américaine
La littérature économique démontre généralement que le pays qui augmente ses tarifs voit sa devise s’apprécier. Le principe fondamental est qu’on ne peut pas tricher sur le plan du commerce mondial dans un monde de taux de change flottants. Ceux-ci vont tendre à s’ajuster pour compenser l’avantage économique qu’essayerait de retirer un pays à l’égard du reste de la planète. Des tarifs douaniers feraient aussi augmenter l’inflation, ce qui alimente des anticipations de taux d’intérêt plus hauts aux États-Unis par rapport à d’autres pays et avantage le dollar américain.
Affaibli, le dollar canadien s’approche de 0,70 $ US
Le dollar canadien a perdu près de 3 % de sa valeur depuis le début du mois d’octobre. Il avoisine maintenant 1,40 $CA/$ US (environ 0,715 $ US), un niveau jamais vu depuis mai 2020, en pleine première vague de la pandémie de COVID-19. L’économie canadienne pourrait connaître un certain regain d’activité à court terme, notamment aidée par un devancement des importations par les États-Unis en anticipation d’éventuels tarifs douaniers. Le dollar canadien et d’autres devises pourraient profiter d’une accalmie en première moitié de 2025, d’autant plus si les taux obligataires américains reculaient un peu. Toutefois, les perspectives économiques sur un horizon plus long se sont assombries et nous avons révisé à la baisse notre prévision pour la valeur du dollar canadien. Il devrait avoisiner 1,42 $CA/$ US (0,71 $ US) à la fin de l’année 2025, ce qui contraste avec l’appréciation que nous prévoyions auparavant.
Rendement des classes d'actifs
L’effet Trump balaie les marchés financiers
Le S&P 500 dépasse 6 000 points pour la première fois de son histoire
Les indices boursiers américains ont été propulsés plus haut par l’annonce de la victoire du président Donald Trump alors que les obligations gouvernementales ont été délaissées par les investisseurs (graphique 6). Fort de la victoire des républicains aux deux chambres du Congrès, le président élu pourra décréter rapidement des baisses d’impôt favorables aux bénéfices des entreprises. Les investisseurs sont ainsi concentrés sur les effets positifs de ces mesures sur les entreprises alors que les risques associés aux tarifs et à la réduction de l’immigration sont mis de côté. Il y a malgré tout une reconnaissance du potentiel inflationniste des mesures proposées, ce qui a entraîné une révision des anticipations de taux directeurs.
Parier sur Trump n’est pas totalement irrationnel à court terme
Même si la réaction des marchés à l’élection de Donald Trump peut sembler démesurée à première vue, le rationnel derrière l’optimisme des investisseurs peut s’expliquer lorsqu’on se penche sur le précédent mandat du président élu. Celui-ci avait été caractérisé par de bons gains initiaux des marchés ainsi que par une période de forte croissance des bénéfices sous l’effet des baisses de l’imposition des entreprises (graphique 7). Dans un contexte où les valorisations des entreprises atteignaient des sommets et où la croissance économique s’annonçait modeste, des mesures soutenant une hausse des profits était peut-être l’élément requis pour justifier de nouveaux gains des marchés, du moins à court terme.
Les gains pourraient plus rapidement s’inverser pour la Bourse canadienne
Si l’on peut s’attendre à des mesures favorables aux marchés au cours des premiers mois d’une présidence Trump, les perspectives pourraient s’assombrir par la suite. Des négociations commerciales houleuses avec plusieurs pays et l’application de tarifs sur les importations américaines risquent de miner la confiance des investisseurs et pénaliser certaines entreprises. Les entreprises canadiennes ne sont pas à l’abri de tels tarifs, et même s’ils n’étaient pas appliqués, la menace de ceux-ci pourrait nuire aux investissements. Même si le S&P/TSX devrait profiter du regain d’optimisme et des mesures stimulatrices à court terme, les gains pourraient s’avérer plus faibles et se renverser plus rapidement que pour l’indice américain. Cela dit, les forts gains ne seront pas éternels pour la Bourse américaine non plus et les perspectives de moyen terme restent plus modérées.
Une économie mondiale affaiblie nécessitera plus de baisses de taux d’intérêt
Les risques concernant les politiques commerciales américaines pourraient être particulièrement importants pour les économies européennes et asiatiques. Certaines banques centrales pourraient devoir abaisser davantage leurs taux directeurs. En zone euro, la tendance de l’inflation est plus encourageante qu’elle ne l’était il y a quelques mois, ce qui devrait réconforter les dirigeants de la Banque centrale européenne. L’inflation a aussi baissé plus rapidement au Royaume-Uni, mais les dirigeants de la Banque d’Angleterre demeurent plus prudents en évitant encore de signaler plusieurs baisses de taux d’intérêt de suite. Les perspectives de bénéfices des entreprises européennes se sont récemment détériorées alors que la volatilité du yen met à risque les rendements sur les marchés japonais (graphique 8). Les gains sur les marchés mondiaux pourraient donc être plus limités.
L’appétit pour le risque est de retour, mais pour combien de temps?
Le résultat de l’élection américaine a fortement favorisé les actifs risqués, en particulier aux États-Unis. À l’inverse, les marchés obligataires ont fait les frais de la révision des anticipations de taux d’intérêt. Les actions mondiales et canadiennes bénéficient moins de ce changement politique qui mettra les États-Unis à l’avant-plan. Assurés du soutien qu’ils obtiendront du nouveau locataire de la Maison-Blanche, les investisseurs risquent de demeurer optimistes au fil des différentes annonces de la nouvelle administration. Mais après plusieurs années de très bons rendements des indices (graphique 9) et de nombreuses politiques surtout favorables à court terme, les profits devront demeurer très robustes pour justifier les valorisations élevées, notamment pour la Bourse américaine.
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