- Jimmy Jean • Randall Bartlett • Benoit P. Durocher • Royce Mendes • Mirza Shaheryar Baig • Marc-Antoine Dumont
Tiago Figueiredo • Francis Généreux • Sonny Scarfone • Hendrix Vachon
Une récession apparaît probable alors que les effets de la guerre commerciale se feront sentir
Faits saillants
- L’ampleur totale et finale des politiques commerciales de l’administration Trump reste encore à déterminer. Le scénario économique et financier présenté ici repose sur les premiers éléments déjà mis en place, notamment sur la hausse des tarifs envers la Chine, sur l’ajout de tarifs de 25 % sur l’acier et l’aluminium et sur les nouveaux tarifs envers le Mexique (25 %) et le Canada (25 % et 10 % pour l’énergie). Il est cependant clair que le président Trump ne s’arrêtera pas là et malgré les exemptions temporaires, on peut s’attendre à d’autres salves protectionnistes. En ce sens, nos prévisions tablent sur la fin dès avril des exemptions liées à l’ACEUM et, au même moment, à la mise en place de tarifs de réciprocité qui s’élèveraient à 25 % sur les importations américaines en provenance des autres pays. Un assouplissement faisant passer les tarifs de 25 % à 10 % (0 % sur l’énergie) surviendrait au début de 2026. Cela dit, nos scénarios économiques et financiers seront modifiés selon l’évolution de la guerre commerciale qui se met en place.
- La politique commerciale américaine est en train de bouleverser l’économie américaine, mais aussi l’économie mondiale. De tels changements, même ceux qui ne sont encore qu’anticipés, provoquent déjà des réactions avec une importante hausse de l’inquiétude au sein des marchés financiers, mais aussi chez les entreprises et les ménages. Les estimations pour la croissance du PIB réel américain ont été revues à la baisse pour le premier trimestre, mais aussi pour les trimestres subséquents et une récession apparaît maintenant possible. L’inflation devrait augmenter sous l’effet direct de la politique commerciale américaine. Les prévisions concernant l’activité économique mondiale ont aussi été généralement revues à la baisse. Les autorités chinoises se montrent toutefois assez optimistes et la croissance du PIB réel pourrait s’y avérer relativement stable malgré la hausse des tarifs américains envers les biens chinois.
- Avec l’accumulation de tarifs douaniers imposés par les États‑Unis, nous croyons que l’économie canadienne risque de connaître une récession dès le deuxième trimestre de 2025. La politique économique américaine devrait freiner le commerce, l’investissement, la création d’emplois, la consommation et le PIB réel au Canada. Cette situation sera exacerbée par les vents contraires préexistants que sont le ralentissement rapide de la croissance démographique et la hausse imminente du nombre de renouvellements hypothécaires à des taux d’intérêt plus élevés. Les tarifs de représailles imposés par le Canada accentueront davantage le repli économique tout en poussant l’inflation à la hausse. Par contre, comme les problèmes se feront également sentir au sud de la frontière, nous prévoyons que l’administration américaine réduira les droits de douane sur les importations canadiennes à compter du début de 2026, ce qui permettra à l’économie canadienne de rebondir quelque peu. Cela dit, il est peu probable que l’activité économique se rétablisse complètement à la suite du choc tarifaire, puisque l’incertitude persistera et que certains droits de douane seront maintenus. Même si certains signes laissent entrevoir des progrès dans l’élimination des obstacles structurels à la croissance économique, comme les barrières au commerce intérieur, nous demeurerons sceptiques tant que des changements substantiels ne seront pas observés.
- Étant donné la différenciation des tarifs appliqués aux exportations canadiennes, le Québec subira les effets néfastes de la guerre commerciale de façon plus marquée que la moyenne nationale en 2025. Trois trimestres de contraction du PIB réel sont prévus, suivis d'un retour à la croissance au début 2026 grâce à la réduction de certaines barrières commerciales. Cependant, l’incertitude retardera les investissements dans les secteurs manufacturiers axés sur l’exportation, ce qui contribuera à la fragilité de la reprise. La croissance démographique plus faible limitera aussi l’élan économique, mais elle entraînera également un plafond au taux de chômage, qui devrait atteindre 7 % d’ici le début de l’année prochaine. Le dépôt du budget 2025‑2026 la semaine prochaine apportera des précisions sur le soutien gouvernemental aux secteurs touchés par la détérioration des échanges commerciaux et sur la volonté du gouvernement de pallier la faiblesse du secteur exportateur en accélérant certains projets d’investissement.
Risques inhérents aux scénarios
Les premiers mois du deuxième mandat de Donald Trump ont accentué le niveau d’incertitude dans le monde de manière considérable. Bien que le président ait déjà mis de l’avant de nombreuses mesures protectionnistes, certains reports, les menaces additionnelles et l’ampleur des mesures de représailles de la part des autres pays rendent la conjoncture encore plus incertaine. Les autres politiques mises en place par la nouvelle administration Trump, notamment du côté de l’immigration et de l’appareil gouvernemental fédéral, risquent aussi de bouleverser la conjoncture. Même si nous avons révisé nos prévisions, de nouveaux ajustements seront nécessaires à mesure que les choses deviendront plus claires. Le président Trump a notamment menacé de faire usage de mesures économiques pour forcer le Canada à vouloir devenir un État américain. La nature de ces mesures potentielles demeure un point d’interrogation. Du côté de l’inflation, même si elle est actuellement près des cibles dans de nombreux pays, une escalade de la guerre commerciale pourrait la faire grimper sensiblement. Le taux de chômage pourrait également augmenter fortement dans plusieurs pays selon l’ampleur de la guerre commerciale. Il existe aussi une grande incertitude quant à la capacité des banques centrales à réduire leurs taux d’intérêt dans le cas où elles seraient frappées par un choc stagflationniste. L’affaiblissement des organismes américains de réglementation pourrait provoquer des débordements et, à terme, des déséquilibres financiers, sans compter des problèmes environnementaux ou même sanitaires. L’indépendance à long terme de la Réserve fédérale est également à surveiller. De nombreux gouvernements à travers le monde ont été frappés par des crises politiques, ce qui pourrait affaiblir davantage leur capacité à répondre à un ralentissement économique tout en préservant la viabilité des finances publiques. Les marchés obligataires pourraient réagir en augmentant les taux d’intérêt de manière plus agressive. L’évolution de l’économie mondiale, des marchés financiers et des prix des matières premières pourrait se montrer encore plus instable si la situation géopolitique et l’environnement économique se dégradaient davantage.
Scénario financier
Étant donné la probabilité accrue d’une guerre commerciale prolongée avec les États‑Unis, la Banque du Canada (BdC) devra vraisemblablement assouplir son taux directeur davantage que prévu initialement. Nous croyons que la BdC réduira celui-ci à 1,75 % au cours du présent cycle. Lors d’une récession typique, les banquiers centraux assoupliraient davantage leur politique, mais la hausse des attentes inflationnistes les empêchera d’offrir plus de stimulation. Les taux ont chuté sur l’ensemble de la courbe de rendement, ce qui reflète les risques baissiers importants pour l’économie canadienne.
Les politiques proposées en matière de commerce et d’immigration exacerbent également les risques baissiers aux États‑Unis. Toutefois, comme l’inflation ne s’est pas encore normalisée et que les attentes à cet égard sont en forte hausse, le comité de politique monétaire (FOMC) de la Réserve fédérale assouplira sa politique à un rythme beaucoup plus lent que la BdC. Ainsi, le FOMC réduira son taux directeur de 75 points de base cette année.
Le dollar canadien s’est déprécié en raison des craintes liées aux tarifs douaniers et à une récession. Toutefois, la probabilité croissante d’une récession aux États‑Unis a également miné le dollar américain, ce qui a maintenu la paire USD/CAD dans une fourchette de négociation large. À l’avenir, nous entrevoyons un horizon de risque équilibré pour l’USD/CAD, le pire étant probablement derrière nous pour le huard. Comme nous prévoyons désormais que l’économie américaine entrera en récession, la Réserve fédérale pourrait devoir réduire ses taux davantage que ce que le marché prévoit en ce moment, entraînant une dépréciation plus importante du dollar américain – y compris par rapport au dollar canadien. Nous suivrons aussi de près l’annonce des tarifs réciproques le 2 avril, car une hausse importante des tarifs douaniers pour le Canada pourrait entraîner une volatilité de la devise.
En raison des risques baissiers accrus entourant l’économie américaine, les perspectives pour les actions américaines sont beaucoup plus modestes. Les actions mondiales devraient donc continuer d’afficher des rendements supérieurs.
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