- Jimmy Jean • Randall Bartlett • Benoit P. Durocher • Royce Mendes • Maëlle Boulais-Préseault
Marc-Antoine Dumont • Francis Généreux • Lorenzo Tessier-Moreau • Hendrix Vachon
Garder son sang-froid, tout en étant vigilant
Éditorial
Par Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège
Pour comprendre 2025, il est essentiel de revenir sur les forces qui ont marqué 2024. Aux États‑Unis, la laborieuse « dernière ligne droite » de la désinflation a maintenu sa réputation, avec des progrès réalisés de manière irrégulière. Néanmoins, la Réserve fédérale (Fed) a accompli des avancées significatives vers son objectif : l’inflation de base selon le déflateur des dépenses de consommation est passée sous la barre des 3 %, et la Fed a réussi à réduire l’inflation tout en contenant la hausse du taux de chômage, resté à un niveau bas de 4,2 % en novembre. Cette performance a confirmé la thèse de l’atterrissage en douceur, malgré une brève frayeur à la mi-été, et a fortement soutenu les actions américaines. Au moment où nous écrivons ces lignes, le S&P 500 s’apprête à enregistrer un gain qui le place sans conteste parmi les dix meilleures performances annuelles depuis 1950.
Pourtant, derrière l’exubérance des marchés boursiers, l’histoire est plus complexe. Le poids persistant des hausses de prix depuis 2021 a entamé le moral des consommateurs. Le décalage frappant entre l’exubérance des marchés financiers et les difficultés économiques rencontrées par de nombreux ménages américains a joué un rôle décisif dans le résultat des élections de novembre.
Le programme de l’administration Trump ajoute une incertitude considérable aux perspectives économiques, notamment en ce qui concerne l’éventualité d’imposer des tarifs aux partenaires commerciaux, une menace qui s’est manifestée sous diverses formes depuis le jour de l’élection. Même dans notre hypothèse de tarifs universels de seulement 10 % (avec certaines exemptions clés), l’impact négatif sur la croissance économique américaine serait considérable, tout en entraînant une augmentation de l’inflation.
Nous supposons que ces tarifs ne seront appliqués qu’à la fin de l’année 2025. Cependant, toute approche plus agressive en termes de portée ou de calendrier rendrait une récession difficile à éviter pour les partenaires commerciaux qui entretiennent des échanges importants avec les États‑Unis. Par ailleurs, le durcissement des politiques d’immigration devrait freiner la croissance de l’offre de main-d’œuvre aux États‑Unis, tandis que la prolongation prévue des réductions d’impôt de l’ère Trump pourrait faire grimper le déficit fédéral à plus de 7 % du PIB. Bien que la déréglementation soit généralement favorable à l’offre, cela reste conditionnel à l’absence d’une accumulation importante de vents contraires susceptibles de peser sur l’investissement des entreprises.
La Fed fait face à la délicate mission de gérer cette dynamique complexe. Nous anticipons un cycle d’assouplissement monétaire continu, mais légèrement plus modéré, avec des taux qui pourraient atteindre la fourchette de 3,50 % à 3,75 % d’ici septembre. La question de savoir si la Fed maintiendra ce rythme mesuré malgré d’éventuelles pressions politiques pour un assouplissement plus agressif pourrait susciter des débats. Toutefois, nous estimons que le seuil à franchir pour une politisation de la Fed reste très élevé.
Malgré un rythme effréné d’accueil des immigrants (avec une croissance démographique dépassant 3 %), l’économie canadienne peine à avancer. Le PIB par habitant âgé de 15 ans et plus a reculé de 3,5 % depuis son sommet à la mi‑2022. Pour la Banque du Canada (BdC), le chemin semble tracé, laissant peu de place au doute depuis le début de son cycle d’assouplissement amorcé en juin dernier.
Les perspectives s’apprêtent néanmoins à se corser. Il y a bien sûr la menace des tarifs, abordée en détail dans la section consacrée au Canada de ces Prévisions économiques et financières. Nos prévisions de base s’appuient sur nos analyses antérieures, et un rapport complémentaire sera publié pour explorer des scénarios tarifaires alternatifs (voir Scénarios alternatifs).
Au-delà des tarifs, le boum démographique lié à l’immigration, qui a sans doute permis au Canada d’éviter une récession, est sur le point d’être volontairement revu à la baisse. Le nouvel objectif du gouvernement, fixé à 395 000 résidents permanents en 2025, marque une réduction notable par rapport au niveau précédent de 500 000. Nous estimons que ce ralentissement de l’immigration pourrait réduire les pressions sur des éléments essentiels tels que les loyers et les services publics, tout en favorisant une reprise de la croissance du PIB par habitant.
La question demeure : quel sera le moteur de la croissance dans une économie qui peine déjà à retrouver son équilibre? Avec le mur des renouvellements hypothécaires, un secteur commercial potentiellement exposé à des tarifs, et une incertitude persistante qui pèse lourdement, l’avenir est en apparence parsemé d’embûches. Pourtant, nos prévisions de croissance pour 2025 au Canada ne sont pas si moroses, et ce, pour quatre raisons principales.
Premièrement, les mesures temporaires de stimulation budgétaire récemment annoncées commenceront à se répercuter sur le portefeuille des consommateurs. Deuxièmement, l’introduction d’hypothèques de 30 ans, de même que la hausse du seuil de la limite d’assurance hypothécaire, donneront un coup de pouce au marché immobilier. Troisièmement, les effets différés des récentes baisses de taux, combinés à l’assouplissement supplémentaire que nous anticipons de la part de la BdC en 2025, devraient apporter un soutien supplémentaire à la croissance, y compris par l’entremise d’une dépréciation du huard. Finalement, notre hypothèse selon laquelle les tarifs n’entreront en vigueur qu’à la fin de 2025 suggère un coup de pouce mécanique temporaire à la croissance, les exportateurs bénéficiant d’un devancement de la demande en amont des tarifs. Bien entendu, ce gain sera suivi d’un revers pour 2026, où nous prévoyons un ralentissement considérable. Mais l’essentiel est que, malgré des vents contraires, il existe suffisamment de soutiens pour ne pas céder au pessimisme concernant les perspectives à court terme.
Cela ne signifie pas pour autant que nous soyons optimistes quant aux bases fondamentales de l’économie canadienne. Les défis à venir seront non seulement économiques, mais également politiques. Le Canada se dirige vers des élections fédérales susceptibles d’influer sur ses politiques économiques et budgétaires. Le gouvernement libéral actuel semble avoir commencé à identifier certains domaines propices à une réduction des dépenses, mais il se pourrait bien qu’un nouveau gouvernement soit chargé de les mettre en œuvre. Si les conservateurs renversent les libéraux et obtiennent un gouvernement majoritaire en 2025, ils pourraient y voir un mandat clair pour avancer dans cette direction.
Parallèlement, le gouvernement du Québec devra trouver une stratégie pour réduire le déficit record de 10,8 G$ prévu pour l’exercice financier en cours, et plusieurs postes budgétaires pourraient faire l’objet de coupes. Autrement dit, pour plusieurs gouvernements, le risque d’un retour à l’austérité budgétaire, après la générosité de la première moitié de la décennie, est bien réel et reste un point de vigilance. Cela dit, ces changements prennent généralement du temps à se concrétiser, ce qui signifie que, là aussi, l’effet pourrait se faire davantage sentir en 2026 qu’en 2025. En somme, si nous avions un conseil à donner pour naviguer en 2025, ce serait celui-ci : ne cédez pas à la panique, mais préparez-vous à des turbulences.
Scénarios alternatifs
Force est d’admettre que le degré d’incertitude a fortement augmenté depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États‑Unis. Comme nous l’avons récemment constaté, un simple message du futur président sur un réseau social peut provoquer un raz de marée sur la scène économique et financière. Dans un tel contexte, il devient très difficile d’établir des prévisions pour les prochaines années. Une approche plus flexible est donc nécessaire pour tenir compte des nombreuses possibilités pouvant survenir dans les mois à venir. Les prévisions économiques et financières présentées dans ce document constituent notre scénario de base, dont les hypothèses sont discutées dans les différentes sections. Dans le contexte actuel de grandes incertitudes, nous présentons aussi un scénario plus pessimiste pour le Canada et un autre plus optimiste pour quelques variables économiques. Ces scénarios permettent de démontrer l’impact de mesures dont la probabilité de réalisation n’est pas assez élevée pour être incorporées dans notre scénario de base. D’un côté, nous envisageons le statu quo avec le maintien de l’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM) dans le scénario optimiste. De l’autre côté, nous considérons la possibilité d’un nouveau tarif douanier de 25 % sur l’ensemble des biens et services canadiens exportés aux États‑Unis avec des mesures de représailles imposées par le Canada (scénario pessimiste). Consultez nos scénarios alternatifs Lien externe au site..
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