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Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Rendre à César ce qui est à César
L’inflation a chuté presque aussi rapidement qu’elle avait augmenté, passant de 8,1 % à seulement 1,6 % en deux ans. Le mécanisme de cette baisse marquée est à la fois simple et complexe.
Tant les perturbations des chaînes d’approvisionnement que la demande refoulée – toutes deux en lien avec la pandémie – se sont résorbées, même si cela a pris plus de temps que prévu. La pénurie de main-d’œuvre est chose du passé, les entreprises et les travailleurs s’étant retrouvés dans le nouvel environnement post-COVID. À première vue, c’est une simple histoire d’interruptions et de réorientations transitoires. Toutefois, cela ne tient pas compte du rôle important que l’ancrage des anticipations d’inflation a joué dans l’histoire.
Comme les ménages et les entreprises croyaient que l’inflation finirait par retrouver une tendance à la baisse, ils ont restreint leurs dépenses et leurs investissements. Si les consommateurs avaient cru que l’inflation resterait élevée, ils se seraient dépêchés de faire des achats avant que les prix grimpent davantage. Les entreprises auraient répondu à la demande en augmentant les prix encore plus rapidement et en tentant d’ajouter de la main-d’œuvre et des capitaux. L’embauche et l’investissement auraient fait monter les salaires, ce qui aurait pu entraîner une spirale inflationniste.
Un tel scénario ne s’est pas produit grâce aux mesures prises par les banquiers centraux actuels – mesures inspirées des actions des décideurs qui sont venus avant eux. Les cycles de hausses agressives de taux ont non seulement refroidi les économies en surchauffe, mais ils ont aussi servi d’avertissement à ceux qui auraient pu douter de la détermination des décideurs à contenir les pressions sur les prix. Les banques centrales du monde entier semblaient disposées à accepter une récession dans leur pays si cela leur permettait de maîtriser l’inflation. Les mesures qu’elles ont prises ont été élaborées en fonction des réussites et des échecs des banques centrales au cours des 100 dernières années.
Des cibles d’inflation formelles, une autonomie accrue et trois décennies de succès pour ce qui est de maintenir une faible inflation ont démontré la capacité du modèle actuel de banque centrale à assurer la stabilité des prix.
Partout dans le monde, des gouvernements de toutes les couleurs politiques ont, au cours des dernières années, abandonné leurs apparentes contraintes budgétaires, contribuant davantage à alimenter l’inflation qu’à la freiner. Il faut cependant reconnaître que la plupart des gouvernements ont maintenu l’indépendance institutionnelle de leur banque centrale tout au long du plus récent cycle de hausse des taux. À une époque où le populisme place le conservatisme budgétaire dans le champ arrière, l’indépendance accordée aux banques centrales des principales économies avancées s’est révélée absolument nécessaire dans ce dernier épisode de lutte contre l’inflation.
Le prix Nobel en économie décerné cette semaine à Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson récompense leurs recherches ayant démontré que des institutions nationales fortes augmentent les probabilités qu’un pays ait une économie prospère. À ce chapitre, l’un des enjeux les plus importants de l’élection présidentielle américaine pour les marchés financiers sera de voir si le prochain locataire de la Maison‑Blanche préservera l’indépendance de la plus importante banque centrale du monde.
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