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Francis Généreux
Économiste principal
Le bilan économique de Biden : une épine au pied de Kamala Harris
Il est clair que la campagne présidentielle américaine a été complétement bouleversée en juillet par l’abandon de Joe Biden et l’arrivée de Kamala Harris comme porte-étendard du Parti démocrate. L’avantage de Donald Trump dans les sondages nationaux, comme dans ceux des principaux États clés, qui s’était élargi à la suite du débat avec Joe Biden en juin, s’est depuis complétement effacé. Le choix de Tim Walz comme candidat démocrate à la vice‑présidence, les succès de financement de la campagne de Harris, la convention démocrate et le récent débat Trump‑Harris du 10 septembre ont consolidé les appuis de Kamala Harris.
À l’heure actuelle, les sondages sont maintenant tellement serrés que les deux candidats peuvent encore vraisemblablement espérer gagner une majorité des votes au Collège électoral le 5 novembre. Pourtant, les sondages montrent que Kamala Harris a un taux net d’opinions favorables (+0,9 % selon la moyenne de RealClearPolitics Lien externe au site.) bien meilleur que celui de Donald Trump (-8,1 %).
Évidemment, le fait que les opinions politiques aux États‑Unis soient très figées et que les indépendants ou les indécis se font de plus en plus rares à un peu moins de sept semaines du jour J explique en grande partie un certain plafonnement de l’avance de Harris dans les intentions de vote. Cependant, un autre facteur constitue un très lourd boulet : le bilan de l’administration Biden à propos de l’économie. Ou, du moins, la perception des électeurs envers ce bilan.
Joe Biden est très mal perçu par les électeurs : son taux net d’opinions favorables est de -13,6 %. Les opinions sont encore pires au sujet de sa gestion des enjeux économiques (-20,4 %) ou de l’inflation (-27,5 %). Cette perception entache la candidature de Kamala Harris. Un sondage ABC News/IPSOS Lien externe au site. effectué après le débat présidentiel du 10 septembre montre que l’économie et l’inflation sont en tête de liste des préoccupations des électeurs, mais que ces derniers font davantage confiance à Trump (46 %) qu’à Harris (39 %) pour prendre les meilleures décisions concernant la politique économique. C’est aussi le cas lorsque la question sur la confiance quant à la gestion de l’inflation est posée, soit 45 % pour Trump contre 38 % pour Harris. L’enjeu économique est donc un avantage important, voire le principal avantage pour Donald Trump. Ça se voit dans la grande majorité des sondages nationaux, bien qu’il y ait une exception Lien externe au site..
Un bilan mal perçu par les électeurs
La perception généralement plus positive concernant l’économie pour Donald Trump vient beaucoup de l’opinion des électeurs entre la situation économique qui avait cours sous son mandat comparativement à celle sous le mandat du président Biden. La question qui tue au cours d’une élection est toujours : êtes-vous mieux maintenant qu’il y a quatre ans? Évidemment, la pandémie et ses effets profonds rendent cette comparaison difficile, car la crise sanitaire a autant caractérisé la fin du mandat de Trump que le début du mandat de Biden.
Si on élimine le pire de la pandémie des calculs, on remarque cependant que la croissance du PIB réel a été très semblable au cours des trois premières années du mandat de Trump (2,77 %) et durant les deux dernières années (entre le premier trimestre de 2023 et le deuxième trimestre de 2024) du mandat de Biden (2,82 %). Le taux de chômage a aussi été pratiquement identique pendant ces deux périodes, soit une moyenne de 4,0 % sous Trump et de 3,8 % sous Biden. La différence majeure dans les deux conjonctures est évidemment l’inflation. En moyenne, la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation a été de 2,1 % entre janvier 2017 et décembre 2019 et de 5,4 % entre janvier 2023 et août 2024 (ce qui exclut le pire de l’inflation postpandémique ainsi que les premiers effets de la guerre en Ukraine). Au-delà du rythme des augmentations de prix, c’est surtout la hausse cumulée du coût de la vie depuis la pandémie qui mécontente les Américains. Comparativement à janvier 2021, ils ont dû faire face à une augmentation de prix d’environ 20 %, y compris de plus de 21 % du côté de l’épicerie, de près de 23 % du côté du logement et de 35 % pour les prix de l’essence (malgré les baisses récentes). La hausse du coût de la vie a forcé les ménages à faire des choix difficiles Lien externe au site. (graphique 1) en limitant le type d’achats, en réduisant leur épargne ou en cherchant même un emploi supplémentaire. D’ailleurs, il y avait, à la fin de 2023, 7,9 % plus de personnes avec plus d’un emploi qu’à la fin de 2019. La hausse du coût de la vie a limité la croissance du revenu réel des ménages, et ce, même si les salaires ont généralement enregistré de bonnes hausses. Le revenu médian Lien externe au site. (en $ US de 2023) était de 81 210 $ en 2019 et de 80 610 $ en 2023, une baisse de 0,7 % (cela cache cependant une amélioration de 4,0 % entre 2022 et 2023).
On voit bien que ce bilan, notamment du côté de l’inflation et du revenu réel des ménages, n’est pas très positif pour l’administration Biden. Pourtant, comme nous, la plupart des économistes ont été étonnés de la résilience de l’économie américaine au cours des dernières années. La surprise vient du fait que l’économie a moins souffert que prévu de l’importante hausse de taux directeurs décrétée par la Réserve fédérale entre l’hiver 2022 et l’été 2023. Le sommet de la fourchette cible des taux directeurs a été en moyenne de 4,05 % depuis le début de 2022. Durant les trois premières années du mandat de Trump, la moyenne était de 1,76 %. De plus, les Américains pourraient se consoler en se comparant avec les autres principaux pays avancés alors que la croissance postpandémique a été bien meilleure aux États‑Unis (graphique 2), bien que l’inflation y ait été un peu plus élevée qu’ailleurs.
Cette performance relative et la résilience face aux taux d’intérêt élevés ne sont pas exclusivement dues aux politiques mises en place par l’administration Biden, mais des mesures comme l’American Rescue Act de mars 2021, le CHIPS and Science Act et l’Inflation Reduction Act d’août 2022 ont tout de même appuyé l’économie à court et possiblement à long terme. Les Américains sont certes mécontents de la situation, mais elle aurait pu être pire et, jusqu’à maintenant, une nouvelle récession a été évitée. Mais la tache perçue est si indélébile qu’il est très difficile pour Kamala Harris de profiter de ce bilan, qui n’est relativement pas si mauvais.
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