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Francis Généreux
Économiste principal
Est-ce que le crédit demeure une source de risque pour l’économie américaine?
La croissance du PIB réel a ralenti au premier trimestre de 2024 comparativement aux très fortes performances de la seconde moitié de 2023. L’économie américaine reste toutefois assez vigoureuse. On peut notamment l’observer par la vitalité de la demande intérieure, qui a progressé de 2,8 % à rythme annualisé au premier trimestre grâce, entre autres, à la meilleure croissance trimestrielle de la consommation réelle de services depuis 2014 (si l’on exclut les rebonds liés à la fin des confinements). Même le rythme des embauches un peu plus lent en avril qu’au cours des mois précédents n’est pas vraiment inquiétant.
Plusieurs facteurs expliquent la résilience de la demande intérieure et de la consommation des ménages. La progression des revenus d’emploi en fait partie. L’effet de richesse, appuyé par de solides performances des indices boursiers, par la hausse des revenus d’intérêt et par l’appréciation du prix des maisons, est aussi un élément de soutien de la consommation. Les ménages ont aussi pu compter sur leur réserve d’épargne, qui a beaucoup augmenté au cours de la pandémie, pour continuer de dépenser. Des chercheurs de la Fed de San Francisco Lien externe au site. estiment cependant que le surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie est maintenant épuisé, ce qui rend les ménages plus vulnérables aux aléas de la conjoncture. Ils signalent que « les consommateurs pourraient recourir à l’endettement – comme les cartes de crédit et les prêts personnels – pour soutenir davantage leurs habitudes de dépenses actuelles, même si l’environnement actuel de taux d’intérêt élevés signifie que le coût de l’utilisation du crédit est plus élevé qu’au cours de la décennie précédant la récession ».
Cet outil, le crédit, peut évidemment s’avérer utile pour permettre aux personnes de consommer davantage que ce que leur permet leur revenu immédiat. Les derniers jours nous ont d’ailleurs amené des nouvelles fraîches sur l’évolution du crédit à la consommation, mais aussi sur l’attitude des institutions financières ainsi que des ménages et des entreprises envers le crédit.
Premièrement, on observe une croissance bien moins rapide du crédit à la consommation depuis l’automne 2023, comparativement à ce que l’on observait en 2022 (graphique 1). Rien de surprenant de ce côté, car c’est-ce qui arrive normalement lorsque les taux d’intérêt augmentent. Jusqu’en février, la baisse de cadence s’observait surtout du côté des prêts à terme. On remarque cependant que la croissance mensuelle du crédit renouvelable (cartes et marges de crédit) a été particulièrement faible en mars. Il reste à voir si ce mouvement récent n’est que passager ou si l’on verra une tendance de croissance plus faible se manifester réellement.
Un élément déterminant pour l’évolution du crédit au cours des prochains mois sera évidemment la trajectoire des taux d’intérêt. Le peu de progrès récent sur l’inflation devrait inciter les dirigeants de la Réserve fédérale (Fed) à jouer de prudence au cours de leurs prochaines réunions. Alors que l’approche des élections devrait limiter la marge de manœuvre de la Fed, laquelle ne voudra probablement pas amorcer de mouvements de taux en pleine campagne électorale Lien externe au site. à moins que ce soit impérativement nécessaire, on peut penser que l’assouplissement monétaire ne commencera pas avant novembre. Des taux plus élevés plus longtemps devraient continuer de limiter le crédit aux États-Unis, mais possiblement aussi au Canada Lien externe au site. même si la Banque du Canada devrait bientôt amorcer ses baisses de taux.
Les mouvements de taux d’intérêt sont évidemment primordiaux, mais la volonté des institutions financières à accorder du crédit est tout de même importante. Là aussi, on a eu cette semaine des nouvelles informations à se mettre sous la dent avec la publication de l’enquête trimestrielle de la Fed auprès des directeurs de crédit.
Ce que l’on remarque avant tout c’est qu’il n’y a pas eu d’assouplissement net des conditions de crédit exigées par les institutions financières pour la plupart des types de prêts aux personnes ou aux entreprises. Il y a cependant une moins grande proportion d’institutions qui continuent de resserrer les conditions exigées (graphique 2).
La demande de crédit perçue par les institutions demeure faible (graphique 3), ce qui est normal tant que les taux d’intérêt de marché demeurent élevés. Mais, au moins, la situation ne va pas en se détériorant.
Cela dit, de nombreux risques subsistent. Les retards sur les paiements de cartes de crédit et, dans une moindre mesure, sur les paiements de prêts automobiles sont en hausse. La situation demeure relativement contenue en ce qui a trait aux retards de paiement sur les prêts étudiants de même que sur les prêts hypothécaires et les faillites personnelles sont présentement historiquement basses aux États‑Unis. Un marché du travail moins vigoureux et une poursuite de la hausse du chômage pourraient cependant fragiliser cette conjoncture.
Bien que ce ne soit pas notre scénario de base, une inflation persistante, voire en hausse, qui obligerait les dirigeants de la Fed à recommencer à hausser les taux directeurs pose aussi un risque notable. Elle amènerait les taux de marché et les taux de détail à remonter. Jusqu’à maintenant, la conjoncture économique a été étonnamment résiliente face au niveau élevé des taux, mais un resserrement supplémentaire des conditions financières pourrait être la goutte qui ferait déborder le vase et provoquerait le ralentissement que les États‑Unis ont réussi à éviter. L’atterrissage en douceur pourrait ainsi être plus turbulent.
Ces éléments permettent de conclure que l’évolution du crédit n’est pas pour le moment une source de grande inquiétude, mais tant que les taux d’intérêt demeurent relativement élevés, des risques subsistent pour l’économie américaine.
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