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Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Pas facile de faire des prédictions, surtout à propos du futur
Prédire la croissance économique et l’inflation n’a rien de facile, comme en témoignent les importantes erreurs de prévisions commises ces dernières années. Même si les banques centrales emploient des centaines d’économistes hautement qualifiés, ceux-ci n’ont qu’un mince (voire aucun) avantage sur leurs homologues du privé quand vient le temps de prévoir ces indicateurs. Cependant, les décideurs ont bel et bien un accès privilégié aux coulisses du système financier.
En raison de leur rôle de réglementation et de surveillance, les autorités peuvent consulter des données qui ne sont pas accessibles au public. Pensons notamment aux statistiques liées aux prêts et qui servent à évaluer les risques associés aux renouvellements hypothécaires, ou encore aux données commerciales sur le marché des mises en pension utilisées pour comprendre les récentes pressions haussières sur les taux de ce marché. Ces données procurent un avantage aux décideurs pour ce qui est d’identifier et de comprendre l’évolution des risques liés à la stabilité financière.
La Revue du système financier (RSF), publication annuelle de la Banque du Canada (BdC) qui sera diffusée le 9 mai prochain, servira de véhicule principal à la dissémination de cette information. Le numéro de l’année dernière avait mis en lumière d’importants risques, notamment la capacité des ménages à rembourser leurs dettes.
C’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup écrit. La bonne nouvelle, c’est que les simulations de la banque centrale ont abouti à des conclusions semblables aux nôtres. La mauvaise, c’est que ces simulations laissent présager que le nombre de ménages vivant un stress financier risque d’augmenter en 2025 et en 2026.
Depuis la publication de la RSF de 2023, le ratio médian du service de la dette des ménages et la proportion des nouveaux prêts hypothécaires consentis à un ratio supérieur à 25 % ont tous deux augmenté. Comme le soulignait alors la RSF, « [l]es ratios élevés du service de la dette réduisent la marge de manœuvre des emprunteurs confrontés de manière inattendue à des augmentations de leurs dépenses ou à des pertes de revenus ».
Il y a un an, le taux de chômage était de 5,1 %. Aujourd’hui, il est un point complet de pourcentage plus haut, à 6,1 %. À ce jour, les retards de paiements hypothécaires n’ont que peu augmenté. Le prix des propriétés s’est aussi stabilisé au cours de la dernière année, de sorte que les propriétaires n’ont pas vu la valeur nette de leur bien se détériorer davantage. Cependant, ce n’est qu’en 2025 que l’effet du choc des renouvellements hypothécaires commencera vraiment à se faire sentir.
Selon des recherches récentes de la BdC, les ménages en situation de stress financier sont actuellement plus susceptibles d’être locataires. Le coût de la vie, y compris les prix des loyers et les taux d’intérêt, de même que les risques perçus liés à l’emploi amènent de nombreux locataires à se préoccuper de leurs finances.
Ainsi, même si la BdC conclut encore une fois que les titulaires de prêts hypothécaires traverseront la tempête, elle devra ajouter les locataires à sa liste de préoccupations dans la RSF cette année. Il n’y a pas de solution miracle pour atténuer les risques liés à la stabilité financière ou à l’économie que représentent ces vulnérabilités des ménages. Cependant, un plan exhaustif pour réduire l’inflation et ensuite les taux d’intérêt est essentiel.
Une croissance plus faible du coût de la vie aidera le revenu des ménages canadiens à reprendre le terrain perdu (ou une partie, à tout le moins) par rapport aux prix à la consommation. La réduction de l’inflation ouvre également la porte à d’éventuelles baisses de taux. Évidemment, les taux d’intérêt élevés rendent les ménages et les entreprises plus vulnérables en cas de choc inattendu, en plus de fragiliser l’activité économique et la croissance de l’emploi. Une baisse durable des taux d’intérêt réduira donc les risques globaux pour le système financier.
Personne ne sait quels chocs économiques ou financiers l’avenir pourrait nous réserver. La BdC jugera sans doute que les risques liés à la stabilité financière sont actuellement contenus, mais le fait d’entamer un cycle de réduction graduelle des taux pourrait contribuer à ce que cela reste ainsi.
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