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Marc Desormeaux
Économiste principal
La croissance démographique fulgurante met en lumière le problème persistant du Canada : sa faible productivité
Les données démographiques Lien externe au site. publiées cette semaine ne sont pas un poisson d’avril : la population canadienne a augmenté de 3,2 % – presque un record – entre le 1er avril 2023 et le 1er avril 2024, dépassant les 41 millions d’habitants pour la première fois. Si cette croissance permet à l’économie canadienne de rester à flot, la production par habitant a chuté au cours de six des sept derniers trimestres – un résultat qui n’a jamais été enregistré en dehors d’une récession (graphique 1). Que nous révèlent ces données sur la situation économique actuelle du Canada et sur la direction qu’elle pourrait prendre?
La production par habitant est une mesure de notre niveau de vie global. Comme le PIB est le revenu total généré par l’ensemble de l’économie, une baisse du PIB réel par personne signifie que l’argent créé par les ménages et les entreprises est moindre que ce qui est généré par la seule croissance de la population. Ainsi, même si l’économie canadienne est toujours en expansion Lien externe au site. et qu’elle crée beaucoup d’emplois Lien externe au site., un grand nombre de personnes et d’entreprises sont dans une moins bonne situation qu’il y a un an et demi ou deux ans. Les replis prononcés des années 1980 et 1990 sont les seules autres périodes au cours desquelles les ménages canadiens ont connu des baisses aussi soutenues de leur qualité de vie – quoique la baisse de la production par personne soit beaucoup moins marquée cette fois-ci.
C’est tout le pays qui connaît ces difficultés. Nous avons souligné dans nos plus récentes perspectives provinciales Lien externe au site. que le Canada a connu en 2023 la plus importante baisse du niveau de vie jamais enregistrée en dehors de la pandémie. Les données du début de 2024 laissent croire que la tendance s’est poursuivie cette année. C’est vrai en Ontario et au Québec, mais les données sont particulièrement préoccupantes à l’extérieur des deux plus grandes provinces. Excluant le Québec et l’Ontario, le PIB par personne reste sous le sommet de 2014‑2015 et le niveau prépandémique du T4 2019 (graphique 2). Cela reflète sûrement les conditions particulièrement difficiles auxquelles les producteurs de pétrole et de gaz ont fait face durant ces périodes. Cela signifie aussi que bien des gens à l’extérieur des deux plus grandes provinces sont en moins bonne posture qu’il y a dix ans.
Les résidents non permanents, une catégorie dominée par les travailleurs étrangers temporaires, continuent d’être le principal moteur de l’augmentation démographique (graphique 3). Nos travaux démontrent que pour la suite, la décision d’Ottawa de réduire la population de résidents temporaires de 25 % à 30 % pèsera Lien externe au site. sur l’ensemble de l’activité économique canadienne. Par conséquent, la source des récents gains de population, un ingrédient important de la croissance économique, devrait s’amenuiser au cours des prochains trimestres.
Soyons clairs : la croissance démographique phénoménale n’est pas l’unique cause de la récente baisse de notre niveau de vie. Elle ne fait qu’illustrer la faiblesse masquée de l’économie canadienne. En réalité, nous croyons que les nouveaux arrivants qualifiés peuvent contribuer à améliorer la qualité de vie économique au Canada avec le temps. Par exemple, les résultats sur le marché du travail Lien externe au site. se sont considérablement améliorés au cours des dernières années, tant pour les résidents permanents que pour les travailleurs temporaires. Les immigrants économiques, en particulier, font souvent mieux à ce chapitre que les travailleurs nés au Canada. Près de la totalité des postes créés depuis le début de 2022, moment où le taux de postes vacants atteignait un pic, ont été pourvus par de nouveaux arrivants. À mesure que les dernières vagues de migrants internationaux s’intègrent pleinement au marché du travail canadien, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils stimulent la productivité en mettant à profit leurs compétences, leur expérience et leur réseau à l’international.
Quoi qu’il en soit, les gains démographiques des dernières années ont mis en lumière la faible performance du Canada en matière de productivité, une situation qui perdure depuis longtemps. Le secteur de l’extraction pétrolière et gazière est de loin le plus productif au pays Lien externe au site., et les difficultés qu’il a connues dernièrement expliquent certains de nos plus récents résultats. Et bien que ce secteur demeure un important moteur de la prospérité future du Canada, le gouvernement de l’Alberta et l’Alberta Energy Regulator ne prévoient pas de retour cette décennie aux taux de croissance des investissements qui avaient cours avant 2014 (graphique 4). Dans ce contexte, de nouvelles approches doivent être considérées. Nous avons récemment formulé une série de recommandations Lien externe au site. pour favoriser l’innovation et la productivité au Canada. Enfin, l’intelligence artificielle Lien externe au site. offre d’énormes possibilités (et risques), et soutenir une bonne adoption de cette technologie est essentiel pour permettre aux entreprises canadiennes d’être concurrentielles.
La croissance démographique a apporté un soutien considérable à l’économie canadienne et pourrait continuer de le faire à l’avenir. Elle masque cependant une faiblesse plus profonde et met en lumière des défis de longue date. En fin de compte, pour que la qualité de vie des ménages canadiens s’améliore vraiment avec le temps, nous devons absolument régler notre problème de productivité.
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