- Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège • Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne • LJ Valencia, analyste économique
Les nouvelles mesures de relance stimuleront la croissance, mais elles auront un coût
Faits saillants
- Le 21 novembre, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il éliminerait la taxe sur les produits et services (TPS) sur certains produits admissibles pendant deux mois à compter du 14 décembre (pour un total de 1,6 G$) et qu'il accorderait aux Canadiennes et Canadiens qui ont gagné 150 000 $ ou moins en 2023 un remboursement non imposable de 250 $ au début du deuxième trimestre de 2025 (pour un total de 4,7 G$).
- Nous avons déterminé que ces mesures, combinées à un transfert similaire en Ontario au premier trimestre de 2025 (totalisant 3,0 G$), stimuleront probablement la croissance du PIB réel de 0,2 point de pourcentage en 2025. Cependant, l'inflation devrait être plus élevée d’un peu moins de 0,1 point de pourcentage l'année prochaine. Nous pensons que la Banque du Canada fera abstraction de cette augmentation temporaire de la croissance des prix, mais il est certain que cela ne facilitera pas la tâche de la banque centrale.
Implications
L'annonce récente du gouvernement fédéral de nouvelles dépenses de 6,3 G$ cette année et l'an prochain sera bien accueillie par de nombreux ménages canadiens aux prises avec le coût élevé des biens, des services et des emprunts. Mais ce que ces mesures signifient pour l'économie variera considérablement en raison de leur calendrier et de leur nature.
En commençant par la mesure la plus immédiate – l'élimination de la TPS sur des produits admissibles pendant deux mois à compter du 14 décembre –, cela devrait se manifester de manière disproportionnée pendant la période des Fêtes. Au cours de la période d'admissibilité, nous supposons que jusqu'à la moitié des 1,6 G$ d'allégement fiscal pourrait s’écouler au cours des dernières semaines de 2024, et environ 30 % en janvier et 20 % en février 2025. Bien qu'une grande partie de cette somme soit dépensée, une part sera également épargnée étant donné que tous les ménages bénéficient d’un congé de TPS, quel que soit leur revenu, et que la plupart des dépenses de consommation et l'épargne se font aux niveaux supérieurs de la répartition des revenus. Compte tenu de ces considérations, nous avons déterminé que la croissance annualisée du PIB réel pourrait être supérieure de 0,3 point de pourcentage au quatrième trimestre de 2024 en raison de cette mesure par rapport à nos Perspectives économiques et financières de novembre 2024 Lien externe au site. (graphique 1). Cette mesure aura peu d'incidence au premier trimestre de 2025 pour ensuite affaiblir la croissance au deuxième trimestre. Notamment, l'impact économique de la mesure sera ressenti de manière disproportionnée dans les provinces où la taxe de vente harmonisée (TVH) est appliquée, notamment l'Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Au Québec, le ministre des Finances, Éric Girard, a indiqué que la taxe de vente du Québec ne serait pas réduite, à moins qu'Ottawa ne la compense financièrement.
Dans le cas de l'Ontario, l'exonération partielle de la TPS au premier trimestre de 2025 n'est rien en comparaison avec l’impulsion que les consommateurs recevront de la part du gouvernement provincial. Celui-ci prévoit envoyer 200 $ à chaque homme, femme et enfant admissible de l'Ontario au début de la nouvelle année, pour un coût total d'environ 3 G$. Étant donné la nature non ciblée de ce transfert, une partie de celui-ci est également susceptible d'être épargnée. À l'échelle nationale, cela pourrait se traduire par une croissance supplémentaire du PIB réel annualisé de 0,8 point de pourcentage au premier trimestre de 2025 par rapport à notre niveau de référence de novembre, mais pourrait soustraire 0,4 point de pourcentage au cours de chacun des deux trimestres subséquents à mesure que l'impulsion à court terme de la croissance s'estompera (graphique 1).
Le gouvernement fédéral prévoit aussi offrir son propre remboursement non imposable de 250 $ au deuxième trimestre de 2025 à tous les Canadiennes et Canadiens qui ont travaillé en 2023 et dont le revenu net individuel n’a pas dépassé 150 000 $. Étant donné que cette mesure est plus ciblée que les deux déjà mentionnées, l'augmentation de la consommation sera probablement plus importante, car il y aura moins d'épargne. Les multiplicateurs budgétaires récemment mis à jour par le directeur parlementaire du budget Lien externe au site.. fournissent un guide raisonnable à cet égard. À l'échelle nationale, cela pourrait se traduire par une augmentation de 1,0 point de pourcentage de la croissance annualisée du PIB réel au deuxième trimestre de 2025, mais aussi par une soustraction de 0,4 point de pourcentage au cours de chacun des deux trimestres suivants (graphique 1).
Si l'on tient compte de tout cela, la consommation et la croissance du PIB réel pourraient être beaucoup plus élevées au dernier trimestre de 2024 et au premier semestre de 2025 que ce qui était prévu dans notre prévision de novembre. Pour 2025, la croissance annuelle du PIB réel pourrait être relevée d'environ 0,2 point de pourcentage par rapport à notre scénario de référence. L'inflation sera également plus haute, mais de moins de 0,1 point de pourcentage, tempérée par la baisse de la taxe à la consommation (graphique 2). Avec plus d'argent pour une quantité similaire de biens et de services, les entreprises seront en mesure de transmettre une partie de leurs coûts encore élevés aux consommateurs. Les effets pourraient également être plus insidieux, comme des remises moins généreuses offertes par les détaillants pour le Boxing Day. Cela compensera une partie de l'impact sur la croissance en faisant en sorte que les largesses budgétaires prévues n'aillent pas aussi loin qu'elles le pourraient autrement. L'Ontario sera probablement la province la plus touchée par la hausse de l'inflation en raison des mesures de dépenses prévues. Bien que nous n'anticipions actuellement aucun changement dans la trajectoire des taux directeurs dans nos perspectives, car la banque centrale regardera probablement au-delà de ces mesures temporaires, celles-ci ne contribuent certainement pas à plaider en faveur d'une baisse plus rapide des taux.
Compte tenu des répercussions sur la croissance et l'inflation, la question à 6,3 G$ est la suivante : qu'est-ce que cela signifie pour les prévisions budgétaires du gouvernement fédéral? Le gouvernement du Canada se trouvait déjà dans une situation financière compliquée. Tout comme le directeur parlementaire du budget, nous soupçonnons le gouvernement fédéral d'avoir enregistré un déficit plus important que prévu l'an dernier. Avec ce point de départ plus faible, le ralentissement de la croissance économique dû à la progression plus faible de la population et l'incertitude liée à l'arrivée de l'administration Trump aux États-Unis laissent entrevoir des déficits plus importants pour les prochaines années. Si l'on ajoute à cela les nouvelles mesures annoncées la semaine dernière, il sera extrêmement difficile pour le gouvernement fédéral de s'en tenir à ses cibles budgétaires. En effet, les perspectives fédérales semblent de plus en plus à la dérive (graphique 3). Il y a aussi des répercussions budgétaires négatives pour les provinces qui participent à la TVH, bien que des mesures soient en place pour atténuer une partie de ce risque budgétaire, en transférant une part ou la totalité du fardeau au gouvernement fédéral.
La pertinence économique de ces mesures est discutable. Bien que plusieurs Canadiennes et Canadiens éprouvent des difficultés financières, ces nouvelles mesures n'ont pas l'approche ciblée des initiatives précédentes. Des mesures similaires antérieures, comme le remboursement pour l'épicerie en 2023, qui était soumis à des conditions liées au niveau de revenus et qui était distribué aux bénéficiaires du crédit d'impôt pour la TPS, ou la prestation supplémentaire de l'Allocation canadienne pour enfants en 2020, devaient atteindre les personnes les plus démunies. Une approche plus ciblée dirigeant les fonds vers les Canadiennes et Canadiens ayant une plus grande propension à dépenser aurait généré un coup de pouce plus important et aurait véritablement soutenu les ménages en difficulté. De plus, il serait beaucoup plus constructif pour les perspectives à long terme de s'attaquer aux problèmes de compétitivité des entreprises au moyen d'incitatifs à l'investissement.
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