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Commentaire hebdomadaire

Est-ce que le Canada peut demeurer « la chemise la plus propre du panier à linge sale fiscal »?

17 novembre 2023
Randall Bartlett
Directeur principal, économie canadienne

Moody’s ayant abaissé la perspective de la cote de crédit du gouvernement fédéral américain à « négative » à la fin de la semaine dernière dans un contexte de dysfonction politique continue à Washington, les yeux se sont tournés vers le Canada. Dans le sillage de l’Énoncé économique de l’automne (ÉÉA) du gouvernement du Canada qui sera publié ce mardi, la question clé est de savoir si le Canada pourrait subir le même sort et perdre sa cote triple A.

À court terme, la réponse est « probablement non ». Le Canada est souvent appelé « la chemise la plus propre du panier à linge sale fiscal ». En effet, lorsque l’on examine les perspectives de déficit du gouvernement canadien par rapport à celles du gouvernement des États-Unis, elles ne sont pas du tout comparables (graphique 1). Le gouvernement fédéral américain a accumulé des déficits budgétaires Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre. sans précédent en dehors d’une récession, et prévoit continuer de le faire. Le Canada est très loin de cette situation. Mais, on parle seulement des gouvernements fédéraux. Que se passe-t-il si l’on ajoute les États et les provinces ainsi que les gouvernements locaux à l’équation? Encore là, ce n’est pas « proche d’être proche ». Même si l’on compare les finances publiques du Canada et celles d’autres pays sur une base consolidée, comme le fait le Fonds monétaire international (FMI), nos déficits demeurent moins élevés que ceux de nos pairs du G7 et de l’Australie et de l’Espagne (pour ceux et celles qui ne croient pas que le G7 constitue à lui seul une référence adéquate).

 

Pour ce qui est de l’endettement, le Canada est également en bonne posture. Il se situe près du milieu du peloton des pays du G7 pour la dette brute, en pourcentage du PIB, parmi tous les paliers de gouvernement, mais il ferme la marche pour la dette nette (graphique 2). Cette situation est principalement attribuable aux régimes de retraite du Canada et du Québec, qui sont pleinement financés. De nombreuses autres grandes économies avancées se retrouvent avec des passifs futurs au titre des régimes de retraite pour lesquels elles n’ont pas prévu assez de fonds. Toutefois, même en éliminant les caisses de retraite du calcul de la dette nette du gouvernement, comme nous l’avons fait dans un rapport Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre. paru plus tôt cette année, le Canada reste près de la tête du palmarès des pays avancés dont les secteurs publics sont les moins endettés. C’est aussi le cas lorsqu’on ne s’attarde qu’au gouvernement central.

 

Mais il y a un hic. En ce qui a trait aux taux d’intérêt, le Canada subit généralement les cours plus qu’il ne les dicte. Au-delà du très court terme, le taux directeur de la Banque du Canada (BdC) a de moins en moins d’influence sur les coûts d’emprunt plus on progresse sur la courbe de rendement. Ce sont plutôt les taux des obligations américaines qui déterminent en grande partie les rendements des obligations du gouvernement canadien à des échéances de 10 et de 30 ans, par exemple. Comme le gouvernement fédéral américain a bonifié son programme d’emprunt alors que les investisseurs traditionnels étaient moins enclins à acheter ses obligations, les rendements des obligations du Trésor américain ont augmenté. Bien que cette situation ne soit pas du ressort des législateurs canadiens, ces derniers devront tout de même composer avec les coûts d’emprunt plus élevés qui en découlent (graphique 3).

 

Compte tenu de l’indépendance de la BdC et de l’effet des autres pays sur les taux d’intérêt, la principale façon pour les différents gouvernements du Canada d’influencer leurs coûts d’emprunt passe par leurs propres mesures budgétaires. Comme mentionné précédemment, la dette et les déficits gouvernementaux fédéraux et consolidés en proportion du PIB demeurent faibles par rapport à ce que l’on observe ailleurs dans le monde. Des fissures apparaissent cependant. D’abord, le gouvernement fédéral a abandonné toute ambition de revenir un jour à l’équilibre budgétaire. Et bien que les prévisions budgétaires laissent entrevoir un éventuel retour à une diminution du ratio dette-PIB, la détermination du gouvernement du Canada pour y arriver semble faiblir avec chaque nouvelle projection publiée. Cette détérioration du profil de la dette et du déficit est entièrement attribuable à des dépenses toujours plus élevées, chaque nouveau document budgétaire montrant une tendance des dépenses encore plus à la hausse que le précédent (graphique 4).

 

Comme nous l’avons mentionné dans notre récent aperçu de l’ÉÉA fédéral Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre., nous croyons que cette tendance à l’augmentation des dépenses est appelée à se poursuivre, compte tenu du déferlement récent des annonces qui ne figuraient pas dans le budget. Jusqu’à ce que l’ÉÉA soit publié ce mardi, nous n’en connaîtrons pas le montant. Paradoxalement, seul le gouvernement fédéral peut renverser la vapeur. Et il serait sage de le faire avant que l’augmentation des coûts d’emprunt entraîne une dynamique du déficit et de la dette indépendante de sa volonté, et que des mesures vigoureuses ne soient nécessaires pour corriger la situation. Avoir la plus propre des chemises sales ne veut pas dire qu’il faut la tacher davantage.

Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022

Consultez l'étude complète en format PDF.