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Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Ça y est, c’est fini?
Il ne fait aucun doute que le cycle de resserrement agressif de la Banque du Canada (BdC) est plus près de la fin que du début. Il le faut. L’économie ne peut tout simplement pas en prendre beaucoup plus. Quant à savoir si la hausse de taux de la semaine prochaine sera la dernière du cycle, la question se pose. Tout dépend des perspectives d’inflation.
À l’heure actuelle, l’inflation globale demeure bien supérieure à la cible de 2 % de la BdC et l’économie est encore en surchauffe. Il ne faut pas en conclure pour autant que la banque centrale doit encore hausser de beaucoup les taux d’intérêt.
La semaine dernière, les données sur le PIB pour le troisième trimestre ont révélé que le marché de l’habitation a encore une fois été une source importante de faiblesse. L’activité économique liée aux transactions immobilières a dégringolé au cours de la période. Les dépenses en consommation de biens durables, y compris les automobiles et les meubles, ont également continué de reculer au troisième trimestre. Ces deux secteurs de l’économie sont les plus exposés aux taux d’intérêt élevés, puisque les consommateurs ont tendance à s’endetter pour financer ce type d’achat. Pour les personnes qui possèdent des entreprises ou qui travaillent dans ces secteurs, c’est évidemment une mauvaise nouvelle. Mais pour la BdC, c’est une victoire : les hausses de taux décrétées depuis le début de 2022 fonctionnent exactement comme prévu.
Les banquiers centraux ne peuvent pas régler les problèmes d’approvisionnement ni faire baisser les prix mondiaux de l’énergie. Cependant, ils peuvent refroidir l’économie intérieure en agissant principalement sur le marché de l’habitation et les dépenses des ménages. De ce côté, les responsables de la politique monétaire peuvent se féliciter. La demande intérieure, un indicateur de l’activité économique sur le territoire canadien, s’est contractée pour la première fois depuis le confinement de 2021. Compte tenu des effets décalés de la politique monétaire, on s’attend à ce que les hausses de taux de 2022 continuent de ralentir l’économie canadienne l’an prochain. Cela contribuera à mieux aligner l’offre et la demande.
La question est de savoir si la BdC en a fait assez pour rétablir un équilibre qui permettrait de ramener l’inflation à la cible. En vérité, l’inflation continue d’être liée à plusieurs facteurs mondiaux qui échappent au contrôle des décideurs canadiens. Si l’on considère les pressions intérieures sur les prix, le vent semble toutefois bel et bien avoir tourné.
D’après de nombreux paramètres, la croissance des salaires n’est pas une source d’inflation excessive au Canada. La situation est très différente aux États‑Unis, où l’augmentation de la rémunération des employés semble alimenter la hausse des prix à la consommation. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les travailleurs canadiens, qui ont vu la forte inflation gruger leur pouvoir d’achat. Mais c’est une autre victoire pour la BdC qui tente de contrer les pressions inflationnistes.
Les mesures de ce que nous appelons la « super inflation de base », qui cherchent à cerner la plus récente tendance des pressions sous-jacentes sur les prix, semblent également baisser. Selon nos calculs, les taux annualisés sur trois mois des mesures de l’inflation IPC‑tronq et IPC‑méd de la BdC s’établissent maintenant à 3,4 % et à 3,3 %, respectivement. C’est bien en deçà des sommets d’environ 7,5 % atteints plus tôt cette année, de même que des mesures similaires aux États‑Unis. L’atténuation des pressions sur les prix profite à tout le monde au Canada. Elle signifie que des mesures encore plus draconiennes pourraient être évitées – exactement ce que souhaitait la BdC en agissant aussi énergiquement. Les banques centrales ont toujours affirmé qu’en haussant les taux rapidement, elles espéraient pouvoir mettre fin au cycle plus tôt que si elles avaient procédé lentement.
Si la BdC est vraiment déterminée à équilibrer les risques entre un resserrement insuffisant et un resserrement excessif, elle ferait bien de relever les taux d’intérêt de seulement 25 points de base la semaine prochaine et d’adopter une posture davantage fondée sur les données. Nous pensons que celles-ci se détérioreront suffisamment pour que les décideurs ne décrètent plus de nouvelle hausse par la suite. Mais ne vous attendez pas pour autant à ce qu’ils s’écrient « Ça y est, c’est fini! » le 7 décembre. Selon leur approche de gestion des risques, les banquiers centraux laisseront la porte ouverte à d’autres hausses de taux en 2023 pour pouvoir agir si les données prennent une autre direction. C’est ce qui signifie protéger ses arrières.
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