- Royce Mendes
Directeur général et chef de la stratégie macroéconomique
Les tarifs douaniers et le prix de l’argent
Lorsque la Banque du Canada (BdC) annoncera sa décision sur les taux d’intérêt la semaine prochaine, elle le fera dans un contexte d’incertitude commerciale. Plus d’un mois avant son investiture, le président élu Trump bouscule déjà les marchés en menaçant d’imposer des barrières tarifaires de 25 % au Canada et au Mexique et d’ajouter 10 % à celles déjà en vigueur pour la Chine.
Les entreprises n’ont pas attendu pour se mettre en action. Tant en Chine qu’au Canada, elles augmentent leurs exportations vers les acheteurs américains afin d’éviter d’éventuels tarifs douaniers. Ces actions accroissent la résilience des chaînes d’approvisionnement mondiales et les aideront à faire face, du moins temporairement, à un changement soudain de la politique commerciale américaine. Elles font par ailleurs augmenter les exportations de ces pays.
Notre équipe d’économistes a relevé ses prévisions de croissance du PIB au Canada pour l’an prochain, dans un contexte où les importateurs américains chercheront à stocker des biens provenant du nord de la frontière. L’autre côté de la médaille, évidemment, c’est que les perspectives pour 2026 ont été revues à la baisse. Les décideurs monétaires auront à naviguer dans cet horizon de croissance houleux, mais ils devront aussi réfléchir aux répercussions des tarifs douaniers sur les prix à la consommation.
Habituellement, les banques centrales ne tiennent pas compte des variations ponctuelles des prix et se concentrent plutôt sur l’inflation sous‑jacente. En théorie, les tarifs douaniers et les mesures réciproques n’influencent les prix qu’une seule fois, de sorte que le protectionnisme n’engendrerait qu’une seule hausse des prix. La question est de savoir si la banque centrale est prête à parier sur le fait que les droits de douane n’auront pas d’effet durable sur le rythme de l’inflation.
Les dirigeants de la BdC ont récemment affirmé que si l’inflation est revenue à la cible de 2 %, c’est en bonne partie parce que les attentes quant à celle‑ci sont restées ancrées autour de 2 %. S’il est vrai que plus les barrières tarifaires auxquelles le Canada est exposé sont importantes, plus les probabilités de baisses de taux additionnelles augmentent, nous ne considérons toutefois pas cette relation comme étant linéaire. Plus les mesures tarifaires réciproques visant les biens américains seront nombreuses, plus les prix à la consommation augmenteront au Canada et, par conséquent, plus la menace à l’égard des attentes inflationnistes sera grande.
Non seulement il existe un lien direct entre les tarifs douaniers et les prix à la consommation, mais la reconfiguration du commerce mondial que souhaite Donald Trump pèsera aussi sur la productivité. En abaissant la vitesse de croisière non inflationniste des économies à travers le monde, le protectionnisme fera augmenter les probabilités qu’une inflation indésirable se manifeste. Les banques centrales n’ont toujours pas de modèles qui permettent de bien prévoir l’offre dans l’économie, même après avoir connu des chocs massifs de l’offre pendant la pandémie. Comme l’ampleur des pressions haussières sur les prix est inconnue, une prudence accrue est de mise à l’égard d’une réduction agressive des taux d’intérêt.
Notre analyse démontre que la BdC réduirait davantage les taux en cas de barrières tarifaires plus importantes. Toutefois, les investisseurs en obligations les plus optimistes seront peut‑être surpris de constater que selon nous, les taux pourraient malgré tout demeurer élevés, surtout si la dépréciation du huard compense une partie du coût des barrières tarifaires pour les consommateurs américains.
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