Repreneuriat : reprendre le flambeau
Peut-on se lancer en affaires dans un domaine dont on ne connaît rien de rien ? C’est le pari audacieux que se sont lancé Emer Mestiri et Rimy Sakr, complices dans la vie comme en affaires. Pour ces deux professionnels, il ne faisait aucun doute que le repreneuriat était leur porte d’entrée vers le monde des affaires. Voici leur histoire tout sauf banale.
Devenir entrepreneur
Emer Mestiri ne connaissait rien au carton ondulé lorsqu’il a pris les rênes d’une petite et moyenne entreprise (PME) spécialisée dans ce domaine. La décision de se porter acquéreur d’une entreprise manufacturière était pourtant mûrement réfléchie de son côté. Il aura fallu au couple cinq années de recherches et de démarches avant de trouver la bonne cible, celle qui cocherait toutes les cases et concrétiserait son rêve d’entrepreneuriat. « C’est un marathon », décrit le propriétaire des Emballages OnduCorr, qui a fait appel à des experts spécialisés en acquisition d’entreprises pour trouver la perle rare.
Armé d’une maîtrise en finance appliquée et d’un bagage de 12 ans d’expérience dans le secteur bancaire, Emer Mestiri connaissait les obstacles propres au démarrage d’une nouvelle entreprise. C’est pourquoi la voie du repreneuriat s’est imposée d’elle-même.
« Le repreneuriat, c’est un défi de taille : tu te lances dans une aventure que tu ne connais pas et où tu as très peu d’expérience. Lancer un projet à partir d’une feuille blanche "start-up", ç’aurait été encore plus exigeant dans ma situation, comme père de famille et entrepreneur en démarrage. »
- Emer Mestiri, chef d’entreprise, Les emballages OnduCorr
Selon le Centre de transfert d’entreprise du Québec, on observe une hausse de 147 % du nombre d’entreprises ouvertes à un transfert depuis 2020 : elles sont passées de 15 000 à 37 000 depuis le début de la pandémie. Alors que les dirigeants d’entreprise approchent de la retraite, on estime que, dans les prochaines années, 31 % des PME à vendre au pays seront établies au Québec1.
Reprendre : pas une mince affaire !
Le couple de repreneurs a pris les commandes des Emballages OnduCorr à l’automne 2021, en pleine pandémie. « L’un des plus grands défis qui m’attendaient, c’était de comprendre les opérations de l’entreprise et de me familiariser avec l’environnement externe, relate Emer Mestiri. Tout ça alors que nous avions des problèmes d’approvisionnement et de rareté de la main-d’œuvre. »
« Reprendre une entreprise, ça vient avec un accompagnement naturel par les prédécesseurs, par l’équipe en place, par les experts du métier. Il y a déjà une structure. Cet accompagnement est un élément non négligeable que nous avons considéré dans le choix du repreneuriat. »
- Emer Mestiri, chef d’entreprise, Les emballages OnduCorr
Un autre défi de taille : l’émotion au cœur de la transition. Pour les propriétaires cédants et fondateurs de l’entreprise, c’était le travail d’une vie qu’il fallait léguer. « Et à quelqu’un qui n’y connaissait strictement rien ! » ajoute l’entrepreneur. Résilience et empathie auront donc été les mots d’ordre pour traverser cette période qu’il a trouvée particulièrement éprouvante.
Passer aux ligues majeures
Aujourd’hui, 18 mois après l’acquisition, l’incertitude économique et l’inflation ébranlent le secteur manufacturier. « Des cycles comme celui que nous vivons actuellement, il va toujours y en avoir. Il faut s’entourer des bonnes personnes, comme les joueurs clés de l’organisation, les collaborateurs externes et les comptables, et ne pas attendre que ça aille mal pour les consulter. »
Avec le recul, Emer Mestiri peut se féliciter d’avoir joué de prudence en achetant une PME en bonne santé financière, qui disposait d’actifs tangibles et forts en garantie. Bien que les temps soient durs, Les emballages OnduCorr tirent leur épingle du jeu : « L’objectif, c’est que l’entreprise devienne un joueur incontournable dans le secteur. Nous performons bien dans la ligue junior, mais nous avons des ambitions pour passer aux ligues majeures. »
Question pop-up
Avec le recul, quel conseil vous donneriez-vous au premier jour de votre aventure entrepreneuriale ?
« Attache ta tuque ! Ce n’est surtout pas le temps de te décourager. Les plus grosses décisions sont prises; maintenant, il faut faire preuve de persévérance et passer à l’action. Partir en affaires, c’est un rêve, et il faut le vivre. Il faut profiter des moments agréables et être prêt à traverser les périodes plus grises. »
Conseil Desjardins
Quels sont les avantages de reprendre une entreprise existante ?
Dans l’écosystème d’affaires, le repreneuriat n’est plus aussi marginal qu’il l’a déjà été, selon ce qu’observe Richard Quinn, directeur principal, Transfert d’entreprises, chez Desjardins. « Et le repreneuriat, c’est aussi entreprendre. »
Un marché repreneurial foisonnant représente, pour les futurs entrepreneurs, des occasions d’affaires à saisir. « La PME bien implantée, dont le modèle d’affaires a fait ses preuves, qui a des partenaires dans le marché, qui est viable, c’est la chance pour un repreneur de travailler à développer le potentiel de cette entreprise établie », explique Richard Quinn.
Élément non négligeable dans l’équation : à la différence de l’entreprise en démarrage qui mettra des années à atteindre la rentabilité, il sera plus aisé de réunir le financement pour acquérir l’entreprise mature. Prêt transfert d’entreprise, solde de prix de vente, dette subordonnée, programmes gouvernementaux : les conseillers aident les releveurs à créer un montage financier équilibré qui assurera la pérennité de l’entreprise.
Au-delà des chiffres
« Un transfert, c’est un électrochoc pour l’entreprise, donc, ça se prépare », ajoute le directeur. La transaction créera nécessairement des remous pour les équipes, les partenaires, les fournisseurs... C’est pourquoi, au-delà des questions purement financières, acheteurs et vendeurs ont besoin d’être guidés pas à pas dans cette période déterminante. Le plan de transfert d’entreprise aide les propriétaires à prévoir, souvent plusieurs années à l’avance, la façon dont ils transmettront les affaires à la prochaine génération.
Il arrive que les spécialistes externes accompagnent les propriétaires de PME dans l’identification de la relève, que ce soit au sein de leur propre entreprise ou grâce au maillage avec des acheteurs potentiels, et souvent avec l’aide de Desjardins. « Les dirigeants ne pensent pas toujours aux avenues moins traditionnelles — la reprise par les employés, par exemple —, alors que ce sont souvent des repreneurs qualifiés qui connaissent la boîte et l’industrie », conclut Richard Quinn.
1 L’acquisition d’entreprise : une stratégie porteuse de croissance, BDC, 2021