Le salaire minimum à 18 $? Le prix des engrais azotés qui double? La sécheresse qui bousille les rendements 6 années sur 10? Une pandémie qui met à mal les chaines d’approvisionnement? Des taux d’intérêt qui remontent après des années au plancher? Un nombre grandissant de variables touchent les entreprises agricoles. Pour gérer l’incertitude en testant la résistance financière des entreprises, rien ne vaut l’analyse de sensibilité.
Voilà trois mots qui effraient, mais qui devraient plutôt rassurer, car derrière l’analyse de sensibilité, à réaliser sur un bout de papier, dans un chiffrier ou un logiciel spécialisé, se cachent des scénarios pour se tenir vent debout. « C’est une composante essentielle d’une gestion des risques », résume l’agronome et analyste de marché, Marjolaine Carrier. « C’est un réflexe à développer quand on élabore un projet d’investissement ou qu’on prépare un budget annuel d’opérations », ajoute René Gagnon, agronome et directeur principal des marchés agricole et agroalimentaire.
Pour ce tandem de l’équipe agro de Desjardins, les entreprises agricoles doivent s’intéresser aux analyses de sensibilité. Pas besoin d’une matrice à 28 variables pour élaborer 327 scénarios probabilistes dans un document théorique! Chaque entreprise, aidée de son directeur de comptes, peut faire une analyse prévisionnelle basée sur les revenus et les dépenses pour constater l’effet sur la rentabilité. « Il est plus facile de mesurer des aléas quand on a d’abord calculé son coût de production, rappelle René Gagnon. On peut ensuite valider facilement un pourcentage de dépense ou un taux d’intérêt et constater l’effet sur les finances. C’est d’autant plus vrai dans les secteurs agricoles qui n’ont pas de pouvoir sur la fixation des prix ou qui ne peuvent transférer les impacts économiques aux consommateurs. »
Plus ça change, moins c’est pareil
Selon les deux agronomes, on pourrait s’attendre à des fluctuations économiques dans les prochaines années. Modéliser pour dépister les vulnérabilités des entreprises sera plus important que jamais. Crise climatique, taxe sur le carbone, événements mondiaux, rareté de la main-d’œuvre, remontée des taux d’intérêt : l’instabilité pourrait mettre à l’épreuve la solidité financière des entrepreneurs. « Ceux qui analysent leur sensibilité réagiront mieux et plus vite », juge Marjolaine Carrier.
Plus de variabilité sur plus de variables, c’est aussi l’avertissement que sert l’agronome Jean-François Drouin, économiste principal du Centre d’études sur les coûts de production en agriculture. « Avec la pandémie, la seule prévision fiable est que les prévisions ne sont pas fiables! Ce contexte fait ressortir l’importance de suivre l’évolution de ses coûts et de trouver des solutions innovantes pour s’adapter. » Jean-François Drouin calcule que le coût des aliments pour le bétail s’est accru d’environ 15 % entre 2021 et 2022 et de 20 % l’année précédente. En productions végétales, la hausse du coût des fertilisants de 50 à 100 % selon le moment d’achat et le type d’engrais fait mal1. « Le côté positif, c’est que les prix des denrées demeurent généralement favorables pour le moment, mais les hausses des coûts demeurent substantielles, avec peu de temps pour s’adapter », conclut-il.
Faire une analyse de sensibilité dans le but de comprendre stratégiquement quels sont les facteurs incontournables pour la rentabilité de votre entreprise est primordial. Ainsi, vous mettrez toutes les chances de votre côté en cas de fluctuations importantes.