Le printemps est habituellement une saison achalandée pour l’immobilier au Canada. Mais avec le prix élevé des maisons et une banque centrale qui continue de relever les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, les propriétaires actuels et les acheteurs éventuels se demandent où va le marché et si les tendances observées pendant la pandémie se poursuivront.
De retour en ville?
Selon Royce Mendes, directeur général et chef de la stratégie macroéconomique chez Desjardins, pendant la pandémie, les gens avaient moins de dépenses – moins de déplacements, de voyages, de repas au restaurant et d’activités sportives avec leurs enfants. Ils avaient donc un excédent d’épargne à injecter dans leur maison.
Pendant cette période, beaucoup de gens ont délaissé les grands centres urbains et les hautes tours pour se tourner vers les plus petites villes. Et les acheteurs d’une première propriété, profitant de faibles taux d’intérêt, ont été nombreux à chercher un logement plus loin de chez eux. « Les gens cherchaient moins un endroit près du bureau qu’une maison avec suffisamment d’espace pour travailler confortablement et les commodités qu’ils souhaitaient avoir dans leur vie », explique Stéphan Plante, vice-président, Marché des particuliers à la Caisse Desjardins Ontario.
Beaucoup de ceux qui ont déménagé préféreraient rester plutôt que de retourner en ville. Et ils ne sont pas nécessairement prêts à faire de longs trajets et à augmenter leurs dépenses en essence et en transport. En fait, les prix dans les grands centres urbains du Canada ont crû moins rapidement que ceux dans les petites villes, qui ont connu de fortes hausses depuis environ un an.
Martin Desfossés, coach en immobilier chez DuProprio, un service d’assistance en vente immobilière sans intermédiaire, résume la situation : « La demande pour les propriétés en dehors des villes a fait un bond extraordinaire en contexte d’inventaire anémique, et leur valeur moyenne a donc fortement augmenté. Et c’est encore le cas aujourd’hui, en mai 2022 : on voit que les prix continuent à monter. »
L’offre et la demande
Les données de mars montrent que la rareté persiste. C’est un autre facteur ayant une incidence sur le prix des maisons. M. Plante affirme que les solutions de refinancement suscitent maintenant un intérêt accru, certains propriétaires voulant tirer parti de la valeur de leur maison pour acheter des immeubles à revenus. M. Desfossés souligne quant à lui que même la hausse des taux d’intérêt et du coût des matériaux ne freine pas significativement l’achat et la construction de propriétés à l’extérieur des grands centres urbains.
Les acheteurs ont anticipé les hausses et ont agi tôt, de sorte que la demande pourrait ralentir maintenant que les taux d’intérêt sont plus élevés. Et à mesure que les gens retournent au travail, d’autres nouvelles constructions devraient s’ajouter au parc de logements et aider à améliorer la situation du côté de l’offre. « Dans l’ensemble, à mesure que la pandémie s’essouffle, le marché de l’habitation devrait retrouver un certain équilibre au printemps et à l’été. Mais il sera difficile de démêler l’effet des hausses de taux et celui de la normalisation d’après-pandémie, au moment où la société retrouve son rythme », affirme M. Mendes.
Hausse des taux
Après avoir réévalué les restrictions liées à la COVID, les types d’emplois, les prix et l’offre sur le marché, comment les acheteurs peuvent-ils composer avec la hausse des taux d’intérêt? Le niveau d’endettement des ménages au Canada est tel que toute augmentation a d’importantes conséquences. Les gens qui ont beaucoup de dettes, qui ont acheté récemment ou qui ont contracté des hypothèques à taux variable seront probablement les plus touchés.
M. Plante suggère aux acheteurs de tenir compte de leur niveau d’aisance avant de décider d’un prêt hypothécaire à taux variable ou à taux fixe. Si leur budget est déjà serré, il pourrait être préférable pour eux de s’arrêter sur un taux fixe afin d’avoir l’esprit tranquille. Toutefois, la hausse n’épargne pas non plus les taux fixes. Il est important de discuter des avantages et des inconvénients des différents produits hypothécaires avec un conseiller financier.
Le fait que les jeunes acheteurs aient toujours connu de bas taux d’intérêt représente une barrière psychologique supplémentaire. Il ne faut pas oublier que les marchés fluctuent sans cesse, et qu’ils continueront de le faire au cours d’un prêt hypothécaire de 25 ans. « À part en héritant d’une somme importante, il n’y a tout simplement aucun moyen de l’éviter », déclare M. Plante.
Vous pensez acheter?
En fin de compte, les gens qui veulent acquérir une résidence devraient continuer à suivre les règles classiques. Cela commence par une bonne mise de fonds : plus ils peuvent épargner avant l’achat, plus les coûts d’emprunt seront bas.
« Je crains que l’augmentation des taux d’intérêt désavantage encore plus les premiers acheteurs, qui rivalisent déjà avec ceux ayant une plus grande capacité de payer. Je crois que la valeur des propriétés continuera d’augmenter cette année, et possiblement encore en 2023. Elle devrait ensuite se stabiliser graduellement, sans pour autant redescendre », affirme M. Desfossés.
Si l’accès paraît encore difficile à l’heure actuelle, de nouveaux programmes de soutien sont en cours d’élaboration. M. Plante souligne que le dernier budget fédéral prévoit la création d’un nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, qui combine des caractéristiques du REER et du CELI. Les détails pourraient changer d’ici le lancement, prévu en 2023. Mais les Canadiens et les Canadiennes de 18 ans et plus devraient pouvoir l’utiliser pour économiser jusqu’à 40 000 $ en vue d’une mise de fonds pour l’achat d’une première maison. Les sommes pourront être investies et retirées sans prélèvement d’impôt, et elles n’auront pas à être remboursées.
Les acheteurs ont avantage à utiliser tous les leviers dont ils disposent pour accéder au marché. Ils doivent également s’assurer de respecter leur budget, et être prêts à acquérir des propriétés ne correspondant peut-être pas à tous leurs critères ni à leur emplacement rêvé pour le moment. Ils auront ainsi la possibilité d’accumuler une valeur nette sur leur propriété actuelle et de passer plus facilement à une autre lorsque les conditions seront favorables. Les acheteurs doivent aussi trouver un bon courtier, capable de les aider à élaborer un plan solide et de les renseigner sur les conditions et les occasions du marché.
* Cet article a été rédigé à titre informatif seulement. Nous recommandons aux lecteurs de discuter de leurs décisions financières avec un conseiller financier.