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Benoit P. Durocher
Directeur et économiste principal
De nouvelles baisses de taux d’intérêt seront nécessaires pour donner un peu de répit aux consommateurs et aux entreprises
Ça y est. Après une remontée vigoureuse des taux d’intérêt, tant par son ampleur que par sa rapidité, les consommateurs commencent à avoir un peu de répit alors que certaines banques centrales ont récemment annoncé une première réduction de leurs taux d’intérêt directeurs. Parmi les économies avancées, le Canada, la zone euro, la Suisse et la Suède ont tous commencé à assouplir leur politique monétaire. Au Canada, le taux cible des fonds à un jour est ainsi passé de 5,00 % à 4,75 % le 5 juin dernier. Malgré cette première réduction, la politique monétaire canadienne demeure très restrictive et d’autres baisses seront graduellement nécessaires pour ramener les taux directeurs dans une zone plus neutre, située aux alentours de 2,75 %. Si l’inflation continue de progresser dans la bonne direction, nous prévoyons trois autres baisses des taux directeurs canadiens d’ici la fin de l’année, suivies par de nouvelles réductions en 2025 et en 2026. À terme, nous anticipons que le taux cible des fonds à un jour de la Banque du Canada (BdC) pourrait descendre jusqu’à environ 2,25 % au début de 2026.
Du côté des États‑Unis, la Réserve fédérale (Fed) devra se montrer plus patiente avant de commencer à réduire ses taux directeurs. Non seulement la demande fait preuve d’une plus grande résilience, mais certaines pressions haussières sur l’inflation subsistent. En outre, la progression des dépenses de consommation per capita est nettement plus robuste aux États‑Unis que dans la plupart des autres pays industrialisés (graphique 1). Cela s’explique sans doute en grande partie par le fait que les termes hypothécaires sont plus longs aux États‑Unis, comparativement à d’autres pays comme le Canada ou le Royaume‑Uni, ce qui limite l’effet immédiat des hausses de taux d’intérêt. De plus, les investissements continuent de progresser, en particulier dans le secteur manufacturier (graphique 2), alors que certaines entreprises américaines ont commencé un rapatriement de leur production afin de réduire leur dépendance aux aléas du commerce mondial, notamment dans la fabrication de puces électroniques. Dans ces conditions, nous prévoyons que la Fed devra attendre jusqu’en novembre prochain, soit après la campagne électorale, avant de suivre la parade mondiale avec une première réduction de ses taux directeurs.
Reste maintenant à savoir jusqu’à quel point la politique monétaire de la BdC pourra diverger de celle de la Fed. La crainte est évidemment de voir le dollar canadien se déprécier substantiellement, ce qui pourrait se traduire par une hausse des prix à l’importation et ainsi raviver certaines pressions haussières sur l’inflation. Nos estimations indiquent cependant que les autorités monétaires canadiennes disposent d’une certaine marge de manœuvre. D’une part, les écarts de taux d’intérêt ne sont pas les seuls déterminants de l’évolution du huard. Nos prévisions ne comportent d’ailleurs qu’une dépréciation assez limitée du dollar canadien au cours des prochains mois. D’autre part, l’effet entre les prix à l’importation et les prix à la consommation n’est pas instantané. Il sera aussi très peu perceptible si la variation du taux de change demeure limitée.
La tendance à la baisse des taux d’intérêt aura évidemment des bienfaits variés un peu partout sur la planète au cours des prochains trimestres. Pour le Canada et le Québec, nos prévisions ont peu changé et une accélération de la croissance économique est toujours attendue en 2024. Par contre, la vive progression de la population, qui a été un moteur important pour la croissance économique canadienne au cours des derniers trimestres, devrait ralentir en raison des nouvelles mesures concernant les immigrants non permanents, qui prendront effet à partir de l’automne. Cela pourrait contrebalancer en partie les effets positifs de la réduction des taux d’intérêt et raviver les enjeux de pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs.
Lire la publication Indicateurs économiques de la semaine du 18 au 22 juillet 2022
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