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Francis Généreux
Économiste principal
Shutdown aux États-Unis : une autre épreuve pour l’économie américaine
Au moment d’écrire ces lignes, la possibilité d’un shutdown partiel du gouvernement fédéral américain dès minuit le 1er octobre était encore bien présente. Il y avait encore impasse au sein du groupe parlementaire républicain. Une frange de celui-ci cherche à exiger de la Maison-Blanche de nouvelles coupes budgétaires.
On croyait qu’avec le compromis adopté en mai afin d’éviter un défaut de paiement lié au plafond légal de la dette et avec l’adoption du Fiscal Responsability Act, les crises budgétaires étaient réglées jusqu’au lendemain de la prochaine élection présidentielle. C’était sans compter les déchirements présents au sein du parti républicain et la position vacillante du président de la chambre des représentants, Kevin McCarthy.
En harmonie avec l’entente de juin, le Sénat est prêt à adopter de façon bipartisane les crédits pour le nouvel exercice financier qui commence le 1er octobre. La Chambre des représentants, à majorité républicaine, n’a toutefois pas encore donné son accord. Elle n’est pas parvenue non plus à aller de l’avant avec des mesures de financement de court terme (continuing resolutions) qui garderaient temporairement le budget discrétionnaire au même niveau que l’année financière qui s’achève. Le Sénat a aussi adopté une telle mesure qui financerait le gouvernement fédéral jusqu’au 17 novembre. Mais sans l’aval de la Chambre, il y a impasse.
Les conséquences économiques d’une impasse budgétaire dépendent de la durée et de l’ampleur de l’arrêt des opérations. La durée est évidemment difficile à prévoir. Les shutdowns récents ont duré de quelques heures à 35 jours (en 2018-2019) (graphique). Cette dernière impasse avait duré longtemps, mais ne touchait que le quart du budget discrétionnaire (environ 380 000 fonctionnaires). Celui de 2013 avait duré 16 jours, mais l’ensemble des départements n’étaient plus financés, ce qui touchait environ 800 000 fonctionnaires. Malheureusement, la situation actuelle se présente davantage comme celle d’il y a dix ans. Une seule loi de financement (sur 12) a été adoptée par la Chambre. Elle couvre seulement les anciens combattants et la construction militaire.
Il faut rappeler que la plupart des fonctions importantes du gouvernement fédéral ne seraient pas affectées par un shutdown. Celui-ci ne touche que les dépenses discrétionnaires qui doivent être refinancées chaque année par le Congrès. Les grands programmes sociaux (Medicaid, Medicare, sécurité sociale) ne seraient pas affectés, bien que le traitement des demandes puisse être retardé. Les militaires ainsi que les employés nécessaires à la sécurité (frontières, aéroports, etc.) resteraient en place. Les agences autofinancées (Réserve fédérale, Poste) ne seraient pas touchées non plus. C’est aussi le cas pour le Congrès et la Maison-Blanche. Un shutdown risque de perturber la collecte et la publication des indicateurs économiques, ce qui pourrait rendre encore plus floue la conjoncture.
Le shutdown de 2013 n’avait pas eu d’incidence majeure sur l’économie; ni le PIB réel, ni la demande intérieure n’avaient montré de faiblesse marquée par rapport au trimestre précédent. Un ralentissement avait été noté au quatrième trimestre de 2018, mais la croissance avait vite rebondi par la suite. Dans les deux cas, on a pu apercevoir une détérioration temporaire des indices de confiance des consommateurs.
Implications
Les conséquences économiques d’un shutdown dépendent de sa durée (évidemment inconnue pour l’instant) et de son ampleur (qui risque d’être large cette fois-ci). Il ne faut pas oublier non plus la conjoncture dans laquelle l’impasse a lieu. Bien que l’économie américaine montre une étonnante résilience jusqu’à maintenant dans le contexte de resserrement monétaire, la multiplication des embûches pourrait la faire trébucher. L’effet cumulé des hausses de taux d’intérêt, la hausse du coût de la vie, le resserrement des conditions de crédit, la reprise du remboursement des prêts étudiants et même les grèves au sein du secteur automobile sont tous des éléments qui devraient fragiliser la croissance. Un shutdown prolongé serait un écueil supplémentaire.
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