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Francis Généreux
Économiste principal
D’une élection à l’autre
L’actualité politique est bien remplie ces temps-ci sur la planète. Ici, les sessions parlementaires s’achèvent et les gouvernements ainsi que les partis d’opposition se préparent à tirer le bilan de leurs travaux. Au sud de la frontière, les yeux ont été rivés vers New York où le procès criminel de Donald Trump s’est achevé sur un verdict unanime de culpabilité. Plus loin, les guerres en Ukraine et dans la bande de Gaza se poursuivent.
Les échéances électorales sont aussi nombreuses par les temps qui courent. Il y a évidemment la campagne présidentielle américaine qui retient énormément l’attention. Un débat télévisé entre Joe Biden et Donald Trump est d’ailleurs prévu le 27 juin prochain. L’élection du 5 novembre risque d’être bien serrée et pourrait être décidée par une poignée d’électeurs dans quelques États clés. On aura l’occasion d’en reparler… En attendant, penchons-nous davantage sur des élections importantes qui viennent d’avoir lieu outre-mer ou qui se tiendront bientôt.
Inde
La plus grande démocratie de la planète, l’Inde, vient de terminer son élection générale. 968 millions de personnes étaient éligibles à voter et le vote a duré 44 jours. Ce processus s’est soldé par une victoire moins décisive que prévu du Parti Bharatiya Janata et de son chef Narendra Modi. Celui-ci devrait avoir droit à un troisième mandat de cinq ans comme premier ministre de l’Inde, bien que dans un gouvernement de coalition, donc plus fragile. En alimentant l’incertitude, cet étonnant résultat a affecté négativement les investisseurs et la Bourse indienne a subi un repli au cours de la semaine. Rappelons que l’Inde a récemment surpassé la Chine comme pays le plus populeux de la planète et elle devient de plus en plus importante pour l’économie mondiale. L’activité économique indienne a plutôt bien progressé au cours des dernières années, notamment avec une croissance de 7,8 % du PIB réel l’an dernier. De nombreux défis demeurent toutefois à relever alors que le PIB par habitant reste très faible en Inde et que les disparités de revenus sont énormes. Les relations économiques et diplomatiques avec plusieurs pays, dont la Chine, sont chaud-froid depuis un certain temps. Le niveau élevé de la dette publique indienne doit aussi être pris en compte par le gouvernement, mais les priorités sont aussi nombreuses, incluant la lutte aux changements climatiques qui affectent beaucoup les populations vulnérables du sous-continent indien.
Afrique du Sud
Les élections du 24 mai en Afrique du Sud se sont conclues avec un résultat décevant pour l’ANC, le parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994. Il devra ainsi trouver un partenaire de coalition pour pouvoir continuer à gouverner et les tractations politiques en ce sens étaient toujours en cours au moment d’écrire ces lignes. Les défis économiques sont nombreux en Afrique du Sud où la croissance du PIB réel demeure très lente; elle n’a été que de 0,6 % en 2023. Le gouvernement du président sortant et leader de l’ANC, Cyril Ramaphosa, a récemment mis en place des réformes économiques visant à attirer les investissements, mais le résultat des élections met en doute leur aboutissement. De plus, les contraintes à la croissance demeurent nombreuses avec notamment des problèmes flagrants d’infrastructures, notamment du côté de l’énergie. À 32,9 % au premier trimestre de 2024, le taux de chômage sud-africain demeure excessivement élevé avec des disparités énormes qui attisent les tensions sociales. Il reste à voir si la coalition qui gouvernera parviendra à redresser la situation.
Mexique
Chez notre partenaire de l’ACEUM, c’est l’ampleur de la victoire de la candidate Claudia Sheinbaum qui a surpris. Dauphine du président sortant Andrés Manuel Lòpez Obrador, celle-ci a décroché lors de l’élection générale du 2 juin, près de 60 % du vote total. Le parti de Sheinbaum a aussi gagné une super majorité à la chambre basse de la législature et une forte majorité simple au Sénat. Alors que les marchés ont été inquiétés par des victoires moins convaincantes que prévu en Inde et en Afrique du Sud, le gain du parti déjà au pouvoir au Mexique amène tout de même son lot d’incertitudes alors que les investisseurs craignent des réformes de gauche moins favorables aux marchés. Cela dit, l’économie mexicaine se porte plutôt bien avec une hausse de 3,2 % du PIB réel en 2023 et un taux de chômage historiquement bas à 2,3 %. Le Mexique profite d’ailleurs de la relocalisation des chaînes d’approvisionnement à l’extérieur de la Chine et est devenu récemment la principale source d’importations américaines. Il serait d’ailleurs étonnant que le gouvernement de Claudia Sheinbaum change de cap envers les politiques qui ont permis cette bonne conjoncture. Il y a cependant des enjeux de sécurité et de criminalité qui demeurent en place avec l’importance des cartels qui jouent un rôle majeur dans l’émigration clandestine vers les États-Unis et dans l’exportation de drogues illicites vers le Nord, deux sources de tensions avec le gouvernement américain. Un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche risquerait aussi de compliquer la situation.
Plusieurs échéances électorales s’approchent à grands pas en Europe. Parmi celles-ci, il y a les élections au Parlement européen qui ont déjà commencé et, le 4 juillet prochain, les élections générales au Royaume-Uni.
Élections au Parlement européen
Du 6 au 9 juin, les électeurs provenant des 27 pays membres de l’Union européenne (UE) choisiront les 720 membres du parlement européen. Avec le Conseil européen (chefs d’État ou de gouvernement des pays membres), le Conseil de l’Union européenne (représentants ministériels des pays membres) et la Commission européenne (ressemblant au conseil des ministres de l’UE), le Parlement européen fait partie des principales institutions politiques de l’UE. Alors que les trois premières instances représentent surtout les gouvernements des États membres, le parlement représente davantage la population grâce aux élections directes et proportionnelles qui ont lieu aux cinq ans. Le pouvoir des députés européens est relativement limité, ne pouvant pas directement proposer de nouvelles lois, mais ils doivent adopter et peuvent amender les projets de loi soumis par la Commission européenne. Les résultats des élections européennes sont surtout perçus comme une conséquence des tensions politiques internes à chaque pays (et un baromètre du mécontentement envers chaque gouvernement national) plutôt que le reflet d’un véritable programme politique à l’échelle européenne. Cela dit, les résultats des élections européennes peuvent tout de même grandement influencer le cours politique de l’UE. Le poids des différents groupements politiques (rassemblement de députés européens issus de différents pays membres, mais avec les mêmes affinités politiques) issus des résultats électoraux a une certaine importance. La présidence de la Commission européenne est normalement choisie en accord avec le groupe qui obtient le plus de sièges au parlement. De plus, la composition du Parlement peut influencer les choix de la Commission européenne et les projets de loi qui seront finalement adoptés. À la lumière des différents sondages nationaux, il est attendu qu’un certain virage à droite pourrait s’opérer au terme de la présente élection. Cela pourrait affecter la lutte aux changements climatiques entamée par l’UE et amener davantage d’emphase politique sur des sujets comme la sécurité ou l’immigration, sans compter une tendance vers un certain nationalisme économique.
Élections britanniques
Alors que les élections en Inde, en Afrique du Sud et au Mexique ont maintenu au pouvoir le parti du gouvernement sortant (mais avec des succès différents) et qu’un déplacement vers la droite est prévu au Parlement européen, c’est le contraire de ces deux tendances qui se dessine au Royaume-Uni. Après 14 ans de règne du parti conservateur (mais avec cinq premiers ministres différents), les sondages suggèrent une majorité écrasante pour le parti travailliste dirigé par Keir Starmer. Le Brexit n’est pas un des principaux enjeux de la campagne qui s’achèvera avec le vote des électeurs le 4 juillet, mais les ratés de la sortie de l’UE par les différents gouvernements conservateurs font toutefois partie des éléments favorisant l’actuelle opposition officielle. La mauvaise tenue de l’économie britannique, qui a généralement tiré de l’arrière par rapport à la zone euro ou aux États-Unis depuis le vote du Brexit, est aussi un élément important du mécontentement des électeurs. Comme ailleurs, la hausse du coût de la vie, le financement des services publics et la lutte aux changements climatiques sont également des enjeux importants de la campagne auxquels s’ajoutent les tensions exercées par l’immigration clandestine qui transite par la Manche. D’un point de vue économique, le va-et-vient de différents gouvernements depuis 14 ans et le manque de clarté dans la vision politique depuis le référendum de 2016 a miné l’investissement et nui à la croissance. L’économie du Royaume-Uni semble toutefois s’améliorer. Le PIB réel a augmenté de 0,6 % (non annualisé) au début de 2024, et ce, après deux trimestres de légères contractions. De plus, la baisse de l’inflation devrait permettre à la Banque d’Angleterre d’entamer cet été un assouplissement graduel de sa politique monétaire. Ce sera toutefois trop tard pour améliorer les chances du premier ministre Rishi Sunak de faire mentir les pronostics d’autant plus qu’il doit composer avec un autre front à sa droite dressé par le militant pro-Brexit Nigel Farage et son Reform Party.
Par elle-même, chacune de ces élections ne risque pas de changer grandement la donne pour la conjoncture économique canadienne et leur incidence ne se compare pas à celle qu’aura le choix des Américains en novembre. Toutefois, les décisions que ces nouveaux gouvernements prendront (ou ne prendront pas) ainsi que leur volonté à collaborer entre eux au cours des prochaines années demeurent importantes dans un contexte où les défis mondiaux de moyen et long terme Lien externe au site. sont nombreux.
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