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Randall Bartlett
Directeur principal, économie canadienne
Les récentes données positives : diversion momentanée ou tendance lourde?
Le PIB du Canada pour le troisième trimestre de 2022 sera rendu public la semaine prochaine. C’est donc une bonne occasion de mettre en contexte certaines des plus récentes données macroéconomiques. Plus précisément, que signifient-elles pour les perspectives économiques? Quelles en sont les répercussions sur la politique monétaire?
Si l’on compare notre estimation actuelle pour le troisième trimestre à nos prévisions du mois dernier Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre., le changement le plus marquant est une révision à la hausse de la croissance trimestrielle annualisée du PIB réel. Le PIB mensuel du mois d’août nous a amenés à ajuster notre prévision à 1,5 %, ce qui correspond exactement aux prévisions de la Banque du Canada (BdC) dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’octobre 2022 Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre.. De plus, la prévision du troisième trimestre a continué de progresser au cours du dernier mois, ce qui a laissé l’économie en situation de demande excédentaire de sorte que notre estimation de l’écart de production est restée à peu près inchangée. (Nos perspectives détaillées du troisième trimestre sont présentées à la page 4.)
Les données sur l’emploi d’octobre ont ensuite déjoué nos prévisions. Avant leur publication, nous partagions essentiellement l’opinion de la BdC selon laquelle la croissance trimestrielle annualisée du PIB réel allait se chiffrer à environ 0,5 % au quatrième trimestre de 2022. Cependant, après avoir appris que l’économie canadienne avait créé plus de 100 000 emplois en octobre, nous avons dû ajuster nos prévisions à la hausse (n’oublions pas que l’offre de main-d’œuvre a également augmenté et que la croissance des salaires semble avoir atteint un plateau, de sorte que cette avancée de l’emploi ne devrait pas avoir causé à elle seule plus d’inflation). Il n’y a pas que l’emploi qui a surpris. Les perspectives pour les ventes d’automobiles, la fabrication ainsi que les ventes de gros et de détail semblent toutes s’être améliorées considérablement en octobre. Ces remontées sont en partie attribuables aux distorsions pandémiques qui continuent de se répercuter sur l’économie, par exemple les longs retards dans les livraisons de véhicules automobiles et la disparition progressive des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Par conséquent, nous prévoyons actuellement que la croissance trimestrielle annualisée du PIB réel au quatrième trimestre sera d’environ 1,2 %, ce qui est bien loin des prévisions d’octobre de la BdC. Bien sûr, nous sommes encore au début du trimestre et ces chiffres pourraient perdre de leur lustre lors des prochaines publications. Cela devient toutefois de moins en moins probable avec chaque nouvelle parution de données.
Il est important de mentionner que les belles surprises ne sont pas l’apanage du Canada. Ainsi, la croissance trimestrielle annualisée du PIB réel américain au troisième trimestre a été de 2,6 %, soit environ le double des prévisions établies à la mi-octobre. En date de la dernière publication, la Réserve d’Atlanta Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre. estimait que la croissance du PIB réel se situerait entre 4 % et 4,5 % au quatrième trimestre de 2022, le plaçant bien loin d’une récession. Ces nouvelles ne sont pas réjouissantes que pour les États-Unis. Une croissance de cette ampleur stimulera les échanges commerciaux canadiens et bonifiera un trimestre qui s’annonce déjà prometteur au nord de la frontière.
Que pouvons-nous conclure de tout cela? Avec une croissance trimestrielle meilleure que prévu au second semestre de 2022, nous réviserons probablement à la hausse nos prévisions de croissance annuelle du PIB réel dans nos prochaines Perspectives économiques et financières. Il ne fait aucun doute que d’autres prévisionnistes, dont la BdC, feront également de même. Mais cela ne nous rend pas nécessairement plus optimistes quant aux perspectives. En effet, les ajustements à la hausse de la croissance pour l’année prochaine proviennent de ce que les économistes appellent un « effet de base », c’est-à-dire l’incidence de la croissance trimestrielle de cette année sur le taux de croissance annuel de l’année à venir. Nous ne nous attendons pas à ce que les croissances trimestrielles en 2023 soient plus fortes que lorsque nous avons publié nos perspectives en octobre. En fait, elles risquent d’être encore plus faibles. Les deux premiers trimestres de 2023 devraient encore voir le PIB réel reculer, et il est probable qu’il en soit de même au trimestre qui les suivra. Cela s’explique par le fait que le resserrement monétaire très sévère appliqué en 2022 aura un effet décalé sur l’économie. Ainsi, le ralentissement s’étendra au-delà du secteur de l’habitation pour toucher d’autres segments de l’économie. (Pour en savoir plus, consultez notre analyse récente des risques de récession Lien externe au site. S'ouvre dans une nouvelle fenêtre..)
Dans l’ensemble, nous ne pensons pas que la récente vague de données positives ait changé bien des choses en ce qui concerne les objectifs des banques centrales. En fait, nous soupçonnons ces données de n’être qu’une diversion et que l’économie est bel et bien sur une trajectoire descendante. Cela confirme notre opinion selon laquelle la BdC ne se contentera pas de procéder à de plus petites hausses de taux, mais qu’elle est sur le point de prendre une pause prolongée après sa réunion de décembre. C’est probablement la même chose pour la Fed, qui devrait prolonger son resserrement jusqu’au début de 2023, mais qui risque elle aussi de mettre ce genre de mesure en veilleuse par la suite. En effet, comme le gouverneur de la BdC Tiff Macklem l’a dit en octobre, « Cette phase de resserrement tire à sa fin. Nous nous rapprochons du but, mais nous n’y sommes pas encore. »
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