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Marc Desormeaux
Économiste principal
L’inflation des loyers s’apaise, mais le retour de l’abordabilité n’est pas pour bientôt
L’inflation des loyers a reçu beaucoup d’attention ces derniers temps. Pendant presque toute l’année 2024, l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les loyers a connu sa croissance la plus rapide en près de 40 ans. Puisque l’IPC des loyers a représenté une part démesurée de l’inflation récente au Canada, ceux-ci sont l’une des raisons de l’explosion du coût de la vie tout en étant l’objet de discussions de politique monétaire. Malgré la récente vigueur des loyers, nous entendons tout de même parler de ralentissement de la demande et des prix dans certains secteurs du marché de la location. Quelles sont les perspectives pour les loyers et le coût de la vie en général au Canada?
Même si les prix des loyers ont augmenté presque partout, il est important de noter qu’il n’y a pas qu’un seul marché locatif au Canada. Ainsi, malgré une récente modération, l’IPC des loyers a connu une croissance beaucoup plus élevée à Calgary qu’ailleurs (graphique 1). Historiquement, les hauts et les bas de l’économie des provinces productrices de pétrole dans l’Ouest, jumelés à l’absence de contrôle des loyers, se sont traduits par une inflation des loyers en dents de scie. Les prix à Montréal et à Toronto, où un contrôle des loyers existe, ont connu une croissance plus stable, mais les deux villes ont pris des chemins quelque peu divergents depuis l’élimination des mesures de contrôle sur les nouvelles constructions en Ontario à la fin de 2018. Par ailleurs, avant les sommets atteints en Alberta, les gains de l’IPC des loyers avaient été supérieurs à Halifax, probablement influencés par la croissance démographique particulièrement forte de la Nouvelle-Écosse, qui a atteint presque trois fois le taux annuel record d’avant la pandémie.
Les perspectives d’évolution de la demande laissent entrevoir une croissance plus modérée des loyers à l’avenir. Nos prévisions d’août 2024 Lien externe au site. supposent une hausse du taux de chômage et un ralentissement de la création d’emplois au cours des prochains trimestres. L’intention d’Ottawa de ramener le nombre de résidents non permanents à 5 % de la population totale Lien externe au site. au cours des trois prochaines années pourrait être encore plus déterminante. Les projections démographiques du Rapport sur la politique monétaire Lien externe au site. de juillet et celles présentées par les gouvernements de l’Alberta et de la Colombie-Britannique plus récemment (graphique 2) ne sont pas aussi extrêmes que celles publiées par Statistique Canada Lien externe au site.. Dans tous les cas, il est probable que le nombre d’admissions d’étudiants et de travailleurs étrangers temporaires – deux groupes qui ont tendance à se loger sur le marché locatif – diminue dans les prochaines années.
L’inabordabilité de la propriété risque toutefois de limiter toute baisse de la demande de location. Le dernier recensement a révélé une progression généralisée de la part des ménages locataires entre 2011 et 2021, les prix d’achat d’une propriété devenant de plus en plus inaccessibles. À l’avenir, nous prévoyons que l’Indice d’abordabilité Desjardins – notre mesure de l’accessibilité à la propriété qui intègre le revenu des ménages, le prix des logements, les taux hypothécaires et les taxes et frais – s’améliorera avec la baisse des coûts d’emprunt et la hausse plus graduelle de la valeur des propriétés. Mais nous ne voyons pas l’indice revenir au niveau prépandémique au cours des trois prochaines années. Ce constat vaut pour les quatre plus grandes provinces Lien externe au site., et cela resterait le cas même dans un contexte de récession et dans un scénario où les inscriptions s’emballeraient.
L’offre sur le marché de la location est soumise à de multiples forces. D’une part, les constructeurs de partout au pays ont clairement répondu à la forte demande de location en accélérant la construction de copropriétés et de logements à vocation locative (graphique 3). Diverses mesures aux niveaux fédéral, provincial et municipal devraient également continuer de soutenir la construction de logements locatifs. Mais malgré cet essor, le manque d’offre demeure criant dans la plupart des marchés locaux. Le nombre de logements vacants est très faible dans presque toutes les grandes villes. De plus, le dernier Rapport sur le marché locatif Lien externe au site. de la SCHL a mis en lumière le taux d’inoccupation le plus bas jamais enregistré au niveau national, plusieurs grands centres ayant connu des reculs marqués. Ces indicateurs suggèrent que toute nouvelle offre serait rapidement absorbée, même si le nombre de résidents non permanents diminuait. Enfin, nos travaux publiés cette semaine ont montré la multitude d’obstacles auxquels se heurtent les ambitions canadiennes en matière de construction résidentielle Lien externe au site..
Ainsi, même si nous prévoyons que la croissance des loyers ralentira au cours des prochains mois, les facteurs structurels semblent susceptibles d’empêcher une amélioration plus substantielle. D’autres travaux sur le sujet seront publiés au cours des prochains mois par les Études économiques de Desjardins.
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